Archives de catégorie : Baisers

Peaurnographes

(ILL. Betty Dodson)

En Apaches s’échapper
De nos oueds doués
Tissus si tus
Lin du Nil
Nous lier d’airain
Casser le ressac
A nos lèvres sans cervelle
Les baisers reçus sucer
Des rêves sévères
S’emboucher à coups doux bleus
Dans l’arène
Ohhh… frire
Aux feux rire
Ô faire et des fers
Au froid de nos Enfers
Joug y sangs
Deux nous
Un nu
Une nue
Unis si nu
Des fautes de peaurnographes
Dans la course des baisers recrées…

D’êtres acteurs

(ILL. Betty Tompkins)

Les ors frais de la nuit formol lisent
leur cruauté de nos distantes offrandes
mais de nous rangés dans la vase trouble de l’étang
du mufle du groin de la gueule des babines des lèvres des crocs
et des canines des couteaux des stylets de la langue des pinceaux des papilles
disparates recousues soudées défrayer l’affront fait à nos solives
de plonger dans l’Érythrée la Somalie le Sahara le désert de Gobi
le plancher flux tuant de nos salives
et dans l’épaisseur moite de nos élégies
foutre le feu au camp violent de nos bouches
seules essences du boire
nous les prenant pour détracter la chronologie

De la tête aux pierres

(Brancusi – Le Baiser – Cimetière de Montparnasse)

Elle vit dans le long bloc un poème résolument moderne, une déclaration d’amour à la vie, à l’ardeur, à l’union. Elle fut frappée par cette sculpture naïve, presque enfantine, ou brute dans son rendu, qui vous pénétrait instantanément du sentiment de la passion absolue. On était loin des visages éplorés, des drapés, des tourelles, des ferronneries. On était dans un ailleurs, celui des êtres liés par l’indicible des sentiments. Camille prit le temps d’observer chaque détail. C’était un bloc carré, trois fois plus haut que large. Un bloc de calcaire gris un peu grossier parsemé d’éclats noirs. Les amants y étaient pris entiers. Nus. Enlacés étroitement. Fondus l’un d’en l’autre. Deux amants assis, face à face, leurs bras encerclant tendrement l’autre, sans pression, sans excès. Pieds à plat, cuisses repliées, jambes de l’homme enserrées avec douceur, imbriquées avec naturel entre celles de la femme. Quelques détails, à peine suggérés : une chevelure longue séparée en bandeaux dévalant le dos de la femme, le haut relief des bras, le doux rebondi du sein. Ils sont là, front contre front, regard contre regard, nez contre nez, lèvres à lèvres. C’est un baiser immense. Un amour absolu. Un acte sexuel intense et innocent à la fois. Évident.

Sophie BROCAS – « Le Baiser »

Bouchées de fleur

(ILL . Agnes Cecile – Sentless Flowers)

(…)
Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.

Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,

Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Éventent mes douces ardeurs,

Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.

Joachim du Bellay – Baiser