Laurence Nobécourt

Aru est arrivé pour la première fois au palais de nuit

-Qui est ce ? a demandé Yazuki

-Mon fiancé quantique.

Aru a regardé toutes les pièces.

-Je suis enfin à la maison, a-t-il commenté.

Yazuki a ri.

-Elle n’accepte personne plus d’une nuit dans son lit, a-t-il précisé à Aru.

-Moi si, lui a-t-il répondu.

Et de fait, je tremblais lorsque nous nous sommes glissés sous les draps, nus comme deux petits enfants timides. Moi de pudeur, Aru d’innocence.

*

Aru, tu es celui qui a porté le faucon blanc dans mon cœur.

*

Le lendemain, Yazuki est venu voir Aru dans le jardin.

-Elle, je sais bien qu’elle est innocente, mais toi ?

-La sainteté n’est rien d’autre que l’état d’innocence retrouvée par l’expérience. Je n’ai pas d’ambition plus haute.

-Soit. Maintenant, écoutes-moi bien : “nous essayons, Laura et moi, depuis toujours de regarder en face ce qui se trame entre nous, à notre insu. Si tu es prêt à faire cet effort, Laura te gardera dans son palais. Sinon, tu finiras dehors comme les autres. cela peut prendre plus ou moins longtemps. Parfois des années. Mais elle finit tous par les mettre dehors. Elle ne garde que ceux qui cherchent l’absolu.

-Je vais te dire Yazuki, cette chose très sérieuse que j’ai apprise il y a  longtemps. La lionne a des poils blancs autour des yeux pour refléter la lumière dans l’obscurité. Lorsqu’elle donne naissance à ses petits, elle les laisse tomber dans un précipice au troisième jour pour vérifier leur capacité à revenir auprès d’elle. Elle abandonne à leur sort, ceux qui ne peuvent pas remonter. Je n’ai rien d’autre à ajouter.

-Je t’ai compris Aru. Je te remercie. A l’origine, déjà, nous étions trois. Mais l’un d’entre nous est parti rêver d’autres mondes ailleurs en vue de les amener à l’existence. Pour changer la Terre, il faut changer de rêve. Nous le faisons. Avec toi, Aru, vient peut-être le rêve nouveau.

-Laura écrira-t-elle le livre de la nouvelle Terre ?

-Il le faut. C’est un livre de sexualité pure, à double fond, antique et spirituel. Et il faudra aller le lire tout autour du monde… Laura avance à pas de loup sur ses blessures immenses. Il faut qu’elle arrive à laisser entrer Dieu dans ses phrases ou alors nous aurons échoué. Si nous ne rêvons pas le nouveau monde il n’adviendra jamais.

-Si je comprends bien, Yazuki, nous ne sommes pas à l’abri de l’accomplissement de cette promesse que porte la vie ?

-En effet, Aru et c’est même cela qui fait peur. Est-ce que tu as peur ?

-Oui, car je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme elle, c’est à dire un être humain comme moi.

*

Je ne quitterai jamais Yazuki. Et il s’en va et le silence me trouvera et nous serons bien.

Je ne perdrai jamais Aru car il vit dans les tissus de ma vulve céleste. Ce sont mes yeux.

Aru est un homme qui pénètre la femme par l’oeil. Mais pas seulement.

Et il fait jaillir la source.

Ma vulve terrestre devient fontaine.

Yazuki dit que la sexualité ne sert qu’à une chose : à comprendre.

Il a raison. Maintenant je le crois.Mais je dois préciser cela avec lui.

Il ajoute : “ l’homme est procréateur par le sexe et créateur par le Verbe. Le sexe de l’âme ce ne sont pas les yeux, Laura mais la gorge dont les cordes vocales enfantent la parole. Nous accouchons du verbe. Là est le passage du véritable amour. Par l’amour qu’Aru te fait par les yeux, tu enfantes par la gorge. Tel est l’amour divin.”

Laurence NobécourtVivant jardin suivi du poème perduEd du cerf

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