Paul Verlaine

 

À Madame ***

Paul Verlaine

Quand tu m’enserres de tes cuisses
La tête ou les cuisses, gorgeant
Ma gueule de bathes délices
De ton jeune foutre astringent,

Où mordant d’un con à la taille
Juste de tel passe-partout
Mon vit point, très gros, mais canaille
Depuis les couilles jusqu’au bout.

Dans la pinete et la minette
Tu tords ton cul d’une façon
Qui n’est pas d’une femme honnête ;
Et nom de Dieu, t’as bien raison !

Tu me fais des langues fourrées,
Quand nous baisons, d’une longueur,
Et d’une ardeur démesurées
Qui me vont, merde ! au droit du cœur,

Et ton con exprime ma pine
Comme un ours téterait un pis,
Ours bien léché, toison rupine,
Que la mienne a pour fier tapis

Ours bien léché, gourmande et saoûle
Ma langue ici peut l’attester
Qui fit à ton clitoris boule-
de-gomme à ne plus le compter

Bien léché, oui, mais âpre en diable,
Ton con joli, taquin, coquin,
Qui rit rouge sur fond de sable ;
Telles les lèvres d’Arlequin.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

Au bal

Paul Verlaine

Un rêve de cuisses de femmes
Ayant pour ciel et pour plafond
Les culs et les cons de ces dames
Très beaux, qui viennent et qui vont.

Dans un ballon de jupes gaies
Sur des airs gentils et cochons ;
Et les culs vous ont de ces raies,
Et les cons vous ont des manchons !

Des bas blancs sur quels mollets fermes
Si rieurs et si bandatifs
Avec, en haut, sans fins, ni termes
Ce train d’appâts en pendentifs,

Et des bottines bien cambrées
Moulant des pieds grands juste assez
Mènent des danses mesurées
En pas vifs, comme un peu lassés

Une sueur particulière
Sentant à la fois bon et pas,
Foutre et mouille, et trouduculière,
Et haut de cuisse, et bas de bas,

Flotte et vire, joyeuse et molle,
Mêlée à des parfums de peau
A nous rendre la tête folle
Que les youtres ont sans chapeau.

Notez combien bonne ma place
Se trouve dans ce bal charmant :
Je suis par terre, et ma surface
Semble propice apparemment

Aux appétissantes danseuses
Qui veulent bien, on dirait pour
Telles intentions farceuses,
Tournoyer sur moi quand mon tour,

Ce, par un extraordinaire
Privilège en elles ou moi,
Sans me faire mal, au contraire,
Car l’aimable, le doux émoi

Que ces cinq cent mille chatouilles
De petons vous caracolant
A même les jambes, les couilles,
Le ventre, la queue et le gland !

Les chants se taisent et les danses
Cessent. Aussitôt les fessiers
De mettre au pas leurs charmes denses,
Ô ciel ! l’un d’entre eux, tu t’assieds

Juste sur ma face, de sorte
Que ma langue entre les deux trous
Divins vague de porte en porte
Au pourchas de riches ragoûts.

Tous les derrières à la file
S’en viennent généreusement
M’apporter, chacun en son style,
Ce vrai banquet d’un vrai gourmand.

Je me réveille, je me touche ;
C’est bien moi, le pouls au galop…
Le nom de Dieu de fausse couche !
Le nom de Dieu de vrai salop !

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

Filles

Paul Verlaine

I
Bonne simple fille des rues
Combien te préféré-je aux grues

Qui nous encombrent le trottoir
De leur traîne, mon décrottoir,

Poseuses et bêtes poupées
Rien que de chiffons occupées

Ou de courses et de paris
Fléaux déchaînés sur Paris !

Toi, tu m’es un vrai camarade
Qui la nuit monterait en grade

Et même dans les draps câlins
Garderait des airs masculins,

Amante à la bonne franquette,
L’amie à travers la coquette

Qu’il te faut bien être un petit
Pour agacer mon appétit.

Oui, tu possèdes des manières
Si farceusement garçonnières

Qu’on croit presque faire un péché
(Pardonné puisqu’il est caché)

Sinon que t’as les fesses blanches
De frais bras ronds et d’amples hanches

Et remplaces que tu n’as pas
Par tant d’orthodoxes appas.

T’es un copain tant t’es bonne âme,
Tant t’es toujours tout feu, tout flamme

S’il s’agit d’obliger les gens
Fût-ce avec tes pauvres argents

Jusqu’à doubler ta rude ouvrage,
Jusqu’à mettre du linge en gage !

Comme nous t’as eu des malheurs,
Et tes larmes valent nos pleurs

Et tes pleurs mêlés à nos larmes
Ont leurs salaces et leurs charmes,

Et de cette pitié que tu
Nous portes sort une vertu

T’es un frère qu’est une dame
Et qu’est pour le moment ma femme…

Bon ! Puis dormons jusqu’à potron-
Minette, en boule et ron, ron, ron !

Serre-toi que je m’acoquine
Le ventre au bas de ton échine

Mes genoux emboîtant les tiens
Tes pieds de gosse entre les miens.

Roule ton cul sous ta chemise
Mais laisse ma main que j’ai mise

Au chaud sous ton gentil tapis.
Là ! Nous voilà cois, bien tapis.

Ce n’est pas la paix, c’est la trêve.
Tu dors ? Oui. Pas de mauvais rêve.

Et je somnole en gais frissons,
Le nez pâmé sur tes frissons.

II


Et toi, tu me chausses aussi,
Malgré ta manière un peu rude
Qui n’est pas celle d’une prude
Mais d’un virago réussi.

Oui, tu me bottes, quoique tu
Gargarises dans ta voix d’homme
Toutes les gammes de rogomme,
Buveuse à coudes rabattus !

Ma femme ! Sacré nom de Dieu !
À nous faire perdre la tête
Nous foutre tout le reste en fête
Et, nom de Dieu, le sang en feu.

Ton corps dresse, sous le reps noir,
Sans qu’assurément tu nous triches
Une paire de nénais riches
Souples, durs, excitants, faut voir !

Et moule un ventre jusqu’au bas
Entre deux friands haut-de-cuisse,
Qui parle de sauce et d’épice
Pour quel poisson de quel repas !

Tes bas blancs — et je t’applaudis
De n’arlequiner point des formes-
Nous font ouvrir des yeux énormes

Sur des mollets que rebondis !

Ton visage de brune où les
Traces de robustes fatigues
Marquent clairement que tu brigues
Surtout le choc des mieux râblés,

Ton regard ficelle et gobeur
Qui sait se mouiller puis qui mouille
Où toute la godaille grouille
Sans reproche, ô non ! mais sans peur,

Toute ta figure — des pieds
Cambrés vers toutes les étreintes
Aux traits crépis, aux mèches teintes,
Par nos longs baisers épiés-

Ravigote les roquentins
Et les ci-devant jeunes hommes
Que voilà bientôt que nous sommes,
Nous électrise en vieux pantins,

Fait de nous de vrais bacheliers
Empressés auprès de ta croupe
Humant la chair comme une soupe,
Prêts à râler sous tes souliers !

Tu nous mets bientôt à qui a,
Mais, patiente avec nos restes,
Les accommode, mots et gestes,
En ragoût où de tout il y a.

Et puis quoique mauvaise au fond,
Tu nous a de ces indulgences !
Toi, si teigne entre les engeances,
Tu fais tant que les choses vont.

Tu nous gobe (ou nous le dis)
Non de te satisfaire, ô goule !
Mais de nous tenir à la coule
D’au moins les trucs les plus gentils.

Ces devoirs nous les déchargeons,
Parce qu’au fond tu nous violes,
Quitte à te fiche de nos fioles
Avec de plus jeunes cochons.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

Gamineries

Paul Verlaine

Depuis que ce m’est plus commode
De baiser en gamin, j’adore
Cette manière et l’aime encore
Plus quand j’applique la méthode

Qui consiste à mettre mes mains
Bien fort sur ton bon gros cul frais,
Chatouille un peu conçue exprès,
Pour mieux entrer dans tes chemins.

Alors ma queue est en ribote
De ce con, qui, de fait, la baise,
Et de ce ventre qui lui pèse
D’un poids salop — et ça clapote,

Et les tétons de déborder
De la chemise lentement
Et de danser indolemment,
Et de mes yeux comme bander,

Tandis que les tiens, d’une vache,
Tels ceux-là des Junons antiques.
Leur fichent des regards obliques,
Profonds comme des coups de hache,

Si que je suis magnétisé
Et que mon cabochon d’en bas,
Non toutefois sans quels combats ?
Se rend tout à fait médusé.

Et je jouis et je décharge
Dans ce vrai cauchemar de viande
A la fois friande et gourmande
Et tour à tour étroite et large,

Et qui remonte et redescend
Et rebondit sur mes roustons
En sauts où mon vit à tâtons
Pris d’un vertige incandescent

Parmi des foutres et des mouilles
Meurt, puis revit, puis meurt encore,
Revit, remeurt, revit encore
Par tout ce foutre et que de mouilles !

Cependant que mes doigts, non sans
Te faire un tas de postillons,
Légers comme des papillons
Mais profondément caressants

Et que mes paumes de tes fesses
Froides modérément tout juste
Remontent lento vers le buste
Tiède sous leurs chaudes caresses.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

Goûts royaux

Paul Verlaine

Louis Quinze aimait peu les parfums. Je l’imite
Et je leur acquiesce en la juste limite.
Ni flacons, s’il vous plaît, ni sachets en amour !
Mais, ô qu’un air naïf et piquant flotte autour
D’un corps, pourvu que l’art de m’exciter s’y trouve ;
Et mon désir chérit et ma science approuve
Dans la chair convoitée, à chaque nudité
L’odeur de la vaillance et de la puberté
Ou le relent très bon des belles femmes mûres.
Même j’adore — tais, morale, tes murmures —
Comment dirais-je ? ces fumets, qu’on tient secrets,
Du sexe et des entours, dès avant comme après
La divine accolade et pendant la caresse,
Quelle qu’elle puisse être, ou doive, ou le paraisse.
Puis, quand sur l’oreiller mon odorat lassé,
Comme les autres sens, du plaisir ressassé,
Somnole et que mes yeux meurent vers un visage
S’éteignant presque aussi, souvenir et présage,
De l’entrelacement des jambes et des bras,
Des pieds doux se baisant dans la moiteur des draps,
De cette langueur mieux voluptueuse monte
Un goût d’humanité qui ne va pas sans honte,
Mais si bon, mais si bon qu’on croirait en manger !
Dès lors, voudrais-je encor du poison étranger,
D’une flagrance prise à la plante, à la bête
Qui vous tourne le cœur et vous brûle la tête,
Puisque j’ai, pour magnifier la volupté,

Proprement la quintessence de la beauté ?

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

Idylle high-life

Paul Verlaine

La galopine
À pleine main
Branle la pine
Au beau gamin.

L’heureux potache
Décalotté
Jouit et crache
De tout côté.

L’enfant rieuse
À voir ce lait
Et curieuse
De ce qu’il est,

Hume une goutte
Au bord du pis,
Puis dame ! en route,
Ma foi, tant pis !

Pourlèche et baise
Le joli bout,
Plus ne biaise
Pompe le tout !

Petit vicomte
De je-ne-sais,
Point ne raconte
Trop ce succès,

Fleur d’élégances,
Oaristys
De tes vacances
Quatre-vingt-dix :

Ces algarades
Dans les châteaux,
Tes camarades,
Même lourdeaux,

Pourraient sans peine
T’en raconter
À la douzaine
Sans inventer ;

Et les cousines,
Anges déchus,
De ses cuisines
Et de ces jus

Sont coutumières,
Pauvres trognons,
Dès leurs premières
Communions ;

Ce, jeunes frères,
En attendant
Leurs adultères
Vous impendant.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

Morale en raccourci

Paul Verlaine

Une tête blonde et de grâce pâmée,
Sous un cou roucouleur de beaux tétons bandants,
Et leur médaillon sombre à la mamme enflammée,
Ce buste assis sur des coussins bas, cependant
Qu’entre deux jambes, très vibrantes, très en l’air,
Une femme à genoux vers quels soins occupée,
Amour le sait — ne montre aux dieux que l’épopée
Candide de son cul splendide, miroir clair
De la Beauté qui veut s’y voir afin d’y croire.
Cul féminin, vainqueur serein du cul viril,
Fût-il éphébéen, fût-il puéril.
Cul féminin, cul sur tous culs, los, culte et gloire !

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

 

 

Õommage dû

Paul Verlaine

Je suis couché tout de mon long sur son lit frais :
Il fait grand jour ; c’est plus cochon, plus fait exprès
Par le prolongement dans la lumière crue
De la fête nocturne immensément crue
Pour la persévérance et la rage du cu
Et de ce soin de se faire soi-même cocu.
Elle est à poil et s’accroupit sur mon visage
Pour se faire gamahucher, car je fus sage
Hier et c’est — bonne, elle, au-delà du penser ? —
Sa royale façon de me récompenser.
Je dis royale, je devrais dire divine :
Ces fesses, chair sublime, alme peau, pulpe fine,
Galbe puissamment pur, blanc, riche, aux stries d’azur,
Cette raie au parfum bandatif, rose obscur,
Lente, grasse, et le puits d’amour, que dire sur !
Régal final, dessert du con, bouffé, délire
De ma langue harpant les plis comme une lyre !
Et ces fesses encor, telle une lune en deux
Quartiers, mystérieuse et joyeuse, où je veux
Dorénavant nicher mes rêves de poète
Et mon cœur de tendeur et mes rêves d’esthète !
Et, maîtresse, ou mieux, maître en silence obéi,
Elle trône sur moi, caudataire ébloui.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

Partie carrée

Paul Verlaine

Chute des reins, chute du rêve enfantin d’être sage,
Fesses, trône adoré de l’impudeur,
Fesses, dont la blancheur divinise encor la rondeur,
Triomphe de la chair mieux que celui par le visage !

Seins, double mont d’azur et de lait aux deux cîmes brunes,
Commandant quel vallon, quel bois sacré !
Seins, dont les bouts charmants sont un fruit vivant, savouré
Par la langue et la bouche ivres de ces bonnes fortunes !

Fesses, et leur ravin mignard d’ombre rose un peu sombre
Où rôde le désir devenu fou,
Chers oreillers, coussin au pli profond pour la face ou
Le sexe, et frais repos des mains après ces tours sans nombres !

Seins, fins régals aussi des mains qu’ils gorgent de délices,
Seins lourds, puissants, un brin fiers et moqueurs,
Dandinés, balancés, et, se sentant forts et vainqueurs,
Vers nos prosternements comme regardant en coulisse !

Fesses, les grandes sœurs des seins vraiment, mais plus nature,
Plus bonhomme, sourieuses aussi,
Mais sans malices trop et qui s’abstiennent du souci
De dominer, étant belles pour toute dictature !

Mais quoi ? Vous quatre, bons tyrans, despotes doux et justes,
Vous impériales et vous princiers,
Qui courbez le vulgaire et sacrez vos initiés,
Gloire et louange à vous, Seins très saints, Fesses très augustes !

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

Pour Rita

Paul Verlaine

J’abomine une femme maigre,
Pourtant je t’adore, ô Rita,
Avec tes lèvres un peu nègre
Où la luxure s’empâta.

Avec tes noirs cheveux, obscènes
A force d’être beaux ainsi
Et tes yeux où ce sont des scènes
Sentant, parole ! le roussi,

Tant leur feu sombre et gai quand même
D’une si lubrique gaîté
Éclaire de grâce suprême
Dans la pire impudicité

Regard flûtant au virtuose
Es-pratiques dont on se tait :
« Quoi que tu proposes, ose
Tout ce que ton cul te dictait » ;

Et sur ta taille comme d’homme,
Fine et très fine cependant,
Ton buste, perplexe Sodome
Entreprenant puis hésitant,

Car dans l’étoffe trop tendue
De tes corsages corrupteurs
Tes petits seins durs de statue
Mais tes jambes, que féminines


Leur grâce grasse vers le haut

Jusques aux fesses que devine
Mon désir, jamais en défaut,
Dans les plis cochons de ta robe


Qu’un art salop sut disposer
Pour montrer plus qu’il ne dérobe

Un ventre où le mien se poser !
Bref, tout ton être ne respire


Que faims et soifs et passions…
Or je me crois encore pire :
Faudrait que nous comparassions.

Allons, vite au lit, mon infante,


Çà livrons-nous jusqu’au matin
Une bataille triomphante
A qui sera le plus putain.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

Reddition

Paul Verlaine

Je suis foutu. Tu m’as vaincu.
Je n’aime plus que ton gros cu
Tant baisé, léché, reniflé
Et que ton cher con tant branlé,
Piné — car je ne suis pas l’homme
Pour Gomorrhe ni pour Sodome,
Mais pour Paphos et pour Lesbos,
(Et tant gamahuché, ton con)
Converti par tes seins si beaux,
Tes seins lourds que mes mains soupèsent
Afin que mes lèvres les baisent
Et, comme l’on hume un flacon,
Sucent leurs bouts raides, puis mou,
Ainsi qu’il nous arrive à nous
Avec nos gaules variables
C’est un plaisir de tous les diables
Que tirer un coup en gamin,
En épicier ou en levrette
Ou à la Marie-Antoinette
Et cætera jusqu’à demain
Avec toi, despote adorée,
Dont la volonté m’est sacrée,
Plaisir infernal qui me tue
Et dans lequel je me tue
A satisfaire ta luxure.
Le foutre s’épand de mon vit
Comme le sang d’une blessure…
N’importe ! Tant que mon cœur vit
Et que palpite encore mon être
Je veux remplir en tout ta loi,
N’ayant, dure maîtresse, en toi
Plus de maîtresse, mais un maître.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

 

Régals

Paul Verlaine

Croise tes cuisses sur ma tête
De façon à ce que ma langue,
Taisant toute sotte harangue,
Ne puisse plus que faire fête
À ton con ainsi qu’à ton cu
Dont je suis l’à-jamais vaincu
Comme de tout ton corps, du reste,
Et de ton âme mal céleste,
Et de ton esprit carnassier
Qui dévore en moi l’idéal
Et m’a fait le plus putassier
Du plus pur, du plus lilial
Que j’étais avant ta rencontre
Depuis des ans et puis des ans.
Là, dispose-toi bien et montre
Par quelques gestes complaisants
Qu’au fond t’aimes ton vieux bonhomme
Ou du moins le souffre faisant
Minette (avec boule de gomme)
Et feuille de rose, tout comme
Un plus jeune mieux séduisant
Sans doute mais moins bath en somme
Quant à la science et au faire.
Ô ton con ! qu’il sent bon ! J’y fouille
Tant de la gueule que du blaire
Et j’y fais le diable et j’y flaire
Et j’y farfouille et j’y bafouille
Et j’y renifle et oh ! j’y bave
Dans ton con à l’odeur cochonne
Que surplombe une motte flave
Et qu’un duvet roux environne
Qui mène au trou miraculeux
Où je farfouille, où je bafouille
Où je renifle et où je bave
Avec le soin méticuleux
Et l’âpre ferveur d’un esclave
Affranchi de tout préjugé.
La raie adorable que j’ai
Léchée amoroso depuis
Les reins en passant par le puits
Où je m’attarde en un long stage
Pour les dévotions d’usage,
Me conduit tout droit à la fente
Triomphante de mon infante.
Là, je dis un salamalec
Absolument ésotérique
Au clitoris rien moins que sec,
Si bien que ma tête d’en bas
Qu’exaspèrent tous ces ébats
S’épanche en blanche rhétorique,
Mais s’apaise dès ces prémisses.

Et je m’endors entre tes cuisses
Qu’à travers tout cet émoi tendre
La fatigue t’a fait détendre.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

Vas unguentatum

Paul Verlaine

Admire la brèche moirée
Et le ton rose-blanc qu’y met
La trace encor de mon entrée
Au paradis de Mahomet.

Vois, avec un plaisir d’artiste,
Ô mon vieux regard fatigué
D’ordinaire à bon droit si triste,
Ce spectacle opulent et gai,

Dans un mol écrin de peluche
Noire aux reflets de cuivre roux
Qui serpente comme une ruche,
D’un bijou, le dieu des bijoux,

Palpitant de sève et de vie
Et vers l’extase de l’amant
Essorant la senteur ravie,
On dirait, à chaque élément.

Surtout contemple, et puis respire,
Et finalement baise encor
Et toujours la gemme en délire,
Le rubis qui rit, fleur du for

Intérieur, tout petit frère
Epris de l’autre et le baisant
Aussi souvent qu’il le peut faire,
Comme lui soufflant à présent…

Mais repose-toi, car tu flambes.
Aussi, lui, comment s’apaiser,
Cuisses et ventre, seins et jambes
Qui ne cessez de l’embraser ?

Hélas ! voici que son ivresse
Me gagne et s’en vient embrasser
Toute ma chair qui se redresse…
Allons, c’est à recommencer !

Paul Verlaine, Femmes, 1890

 

 

 

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