1883 – 1927
Dans l’ombre de ce vallon.
“Dans l’ombre de ce vallon
Pointent les formes légères
Du Rêve. Entre les bourgeons
Et du milieu des fougères
Émergent des fronts songeurs
Dans leurs molles chevelures,
Et des mamelles plus pures
Que le calice des fleurs.”
Recueil : Le vallon (1913).
Ecrits d’amour
Tu étais là debout dardant ton aile dure
Et lourde. J’ai tenu longuement dans ma main
Tout l’orgueil de ta chair, mauve, lisse et très pure.
Belle comme une fleur et pleine de venin
De la vie. Ö venin bien aimé, fleur d’homme,
Ivresse de ma main de femme qui s’étonne
Et tremble, ivresse aussi de ma bouche tremblante,
Fleur qui de loin pesait sur ma chair défaillante.
Ma main est attirée autour de cette fleur,
Elle y revient sans cesse et fait comme l’abeille
Et la fleur s’alourdit encore et s’émerveille
De la petite main si douce en sa pudeur.
Ö fleur, dis tes secrets à ma main fraternelle,
Un battement d’amour court dans tes chaudes veines,
J’ai tant d’amour naïf à te prendre en mes doigts.
Ne me regardes pas, ma bouche est plus pieuse
Encore que ma main, ma bouche est plus heureuse,
Mon visage penché se grise et se parfume,
Mes cheveux décoiffés me cachent en leur brume,
Tu y glisses tes doigts et j’entends ton sanglot.
Chaud désir qui se brûle à mon baiser mi-clos
Et s’ouvre ingénument aux pensives tendresses.
Le frisson éperdu tombe jusqu’à mon coeur,
Il s’apaise, il est mien et ma lente caresse
Ecoute et berce encor son mouvement qui meurt.
Ta vie toute entière en cette fleur vermeille,
Ton coeur bat, ta chair y tremble et se réveille,
C’est là l’orgueil de l’homme en toute sa faiblesse.
Que tu es nu, mon frère et de quelle tendresse
J’appuie ici ma bouche,ô mon frère de chair,
Je m’émeus d’un désir si fragile et si fier.
Je m’émeus, je te berce dans mes bras, je t’enlace
Pour t’apaiser, pour te chérir, mon bien aimé,….
Oh! « où es-tu mon amour, j’ai soif de ta caresse,
Je te cherche dans l’air autour de moi, je presse
Ton fantôme en mes bras, tu tombes sur mon coeur,
J’ai dans mes bras le poids de ton corps, sa chaleur,
Je sens fléchir ta taille et ta tête s’incline.
La chaleur de ta bouche enfièvre mon visage,
Je vais te respirer, te boire… et tout s’efface.
Hélas! n’es-tu pas là? Mes pauvres bras sont vides.
Écris-moi, parles-moi de ton baiser divin,
Sur ton coeur palpitant sens-tu toujours ma main
Et marches-tu toujours entouré de mon être.
De loin ta folle chair me touche et me pénètre,
Tes petits bras nerveux se sont fermés sur moi
Ainsi qu’une ceinture et m’enchaînent à toi.
Je ne t’ai pas quittée
Quand le matin, il s’habillait tout ébouriffé et mouillé de mes baisers, m’évoquant un poussin mouillé qui sort de l’oeuf… il avait un air de fraîcheur, de fleur pas bien réveillée, encore un peu fripée, d’enfant étonné, bousculé de baisers. Je regardais avec orgueil toutes ces empreintes de moi sur lui.
Ton désir est le fruit qui seul peut m’apaiser,
J’ai faim, donnes-le moi que je le morde au baiser,
C’est pour la faim du fruit, hélas! que je suis née.
Ma bouche l’a choisi, mon sang tremble de fièvre,
Ton corps est le fruit lourd qui doit combler mes bras,
Viens dans mes bras, mon âme à ton âme tout bas.
Viens, une joie ardente et triste me pénètre,
Ne dois-je pas trouver mon âme en ton être,
Mon sein n’est-il pas fait pour ta bouche d’enfant.
Tu m’appelles, je viens, le chemin de ton sang
Est en moi, tout mon être est soumis à ta vie.