Marguerite Burnat-Provins

Marguerite Burnat-Provins
1872-1952

La Joconde

Femme, il est un serpent blotti dans ton sourire,
Un philtre meurtrier glissé dans tes doux yeux.
Et ta bouche troublante en aurait trop à dire
Si tu n’étais fantôme, au cœur silencieux.

Dans l’immobilité, tu vis, plus que la Vie,
Il plane un charme intense autour de ton front pur.
O sphinx hallucinant qui pense et qui défie,
Fleur au parfum mortel éclose sous l’azur.

Ta robe au ton nocturne et ta main compassée
Sous un calme perfide ont aussi leur pensée
Et ta beauté recèle un insolent mépris.

En vain je t’interroge, ô ma sœur inconnue,
Car le maître a placé son rêve dans la nue
Et nul ne pourrait dire à quel dieu tu souris.

                       Palette de sonnets.


La paille
 
Quand le soleil d’été se découvre, émergeant
Du soyeux reposoir que font les brumes floches,
Quand l’angélus chanteur va réveiller les cloches,
Les blés décolorés sont en paille d’argent.

Avec douze chevaux, midi, criant la faim.
Galope dans les champs que sa face irradie,
Au feu jaune volant de sa torche brandie.
Les blés chauds, rallumés, sont en paille d’or fin.

Quand la pourpre grandit, dans le jour décroissant.
Que le soir pâmé tremble, et que les vapeurs bougent.
On voit, dans le couchant, frémir leurs ondes rouges;
Les blés incendiés sont en paille de sang.

Et par les claires nuits que la lune consacre,
Avec leur flux glacé sous son œil souriant,
Leurs épis qu’elle change en perles d’Orient,
Les blés décolorés sont en paille de nacre.

                                   Celui qui s’en va.

 

L’arbre rouge Sur l’arbre rouge, as-tu vu
le corbeau noir?
L’as-tu entendu ?
En claquant du bec, il a dit
que tout est fini,
les fossés sont froids,
la terre est mouillée. Nous n’irons plus rire et nous cacher,
dans la bonne chaleur du blé.
Le corbeau noir a dit cela,
en passant,
dans l’arbre rouge, couleur de sang.


Je t’aime

   Personne ne m’a appris ce mot. Je l’ai senti venir des profondeurs de ma chair, monter de mon sang à mes lèvres et s’envoler vers ta jeunesse et la force féconde qui est en toi.
   Je l’ai entendu sortir de ta bouche avec ivresse. C’est un oiseau doré qui s’est posé sur mes yeux, si doucement d’abord, et puis si lourdement que tout mon être en a
chancelé.
   Et je me suis abattue dans tes bras, tes grands bras où je me sens fragile et protégée.
   La parole qui promet et qui livre, la parole sacrée jailli de notre vie ardente, planait sur nos têtes dans un clair rayon. Sylvius ! te souviens-tu ?
   Alors j’ai vu passer l’Heure, l’Heure unique qui nous souriait et levait dans ses mains un caillou blanc.
   Sur sa tunique, une à une, lentement les roses de son front s’effeuillaient.
   J’ai vu cela à travers mes paupières fermées, la joue appuyée contre ton cœur qui marque des secondes éblouis- santes, comme un balancier de rubis.

II

   J’ai regardé ton corps debout, simple et altier comme un pilier d’ivoire, ambré comme un rayon de miel.
   Je l’ai regardé, les mains croisées sur mes genoux, sans l’effleurer, dans la contemplation fervente de sa splendeur, et je l’ai aimé avec mon âme plus passionnément.
   Je me sens presque craintive, dominée par ce rythme qui chante à mes sens une mystérieuse musique ; je m’exalte silencieusement devant ce poème de grâce virile, d’élégance hautaine, de victorieuse jeunesse.
   O Sylvius, dis-moi que tu me donnes toute ta beauté. Dis-moi qu’elle est mienne, ta tête rayonnante imprégnée de soleil, dis-moi que tu m’abandonnes ta poitrine large où je m’étends pour sommeiller, tes hanches étroites et dures, tes genoux de marbre, tes bras qui pourraient m’écraser et tes mains si chères, où mon baiser lent se dépose au creux des paumes caressantes.
   J’ai regardé tes lèvres fières qui plient sous les miennes, tes dents où mes dents se sont heurtées illuminent ton sourire, ta langue chaude m’endort, et quand je m’éveille de mon vertige, c’est pour revoir ton corps triomphant,
altier comme un pilier d’ivoire, ambré connue un rayon de miel.

III

   Cette nuit tu as pris ma tête entre tes doigts impérieux et tu disais, les dents serrées : Ne bouge pas.
   Et je me suis abandonnée, le front cerclé par la couronne ardente qui se rétrécissait.
   Pourquoi n’as-tu pas enfoncé les ongles plus avant? Je n’aurais pas bougé et la douleur, venue de toi, serait entrée délicieusement dans ma chair.
   Ton désir jeune et délirant peut romore mes muscles, courber mes os, me faire râler d’angoisse, je suis ta chose, Sylvius, ne laisse rien de moi, puisque ma volonté
s’en est allée à la dérive, dans l’eau attirante de tes yeux.
   Et cette nuit, passive et nue, n’étais-je pas une reine sous la couronne vivante de tes doigts refermés.

IV

   Pendant cette minute inoubliable où nous nous sommes aimés plus loin que la terre, plus haut que le ciel, dans un monde resplendissant j’ai connu toutes les amours.
   Un feu surnaturel les a fondues dans mion cœur, comme en un creuset dévorant.
   J’ai été la mère, la sœur, l’amante; j’ai été ta chair, ton sang, ta pensée, ton âme emportée vers l’au delà, vaste et illuminé.
   Ton front s’appuyait au mien ; qu’ est-il venu de ta vie vers ma vie dans cet éclair de radieuse pureté?
   Dis-moi Sylvius, quel dieu puissant nous a prêté alors un moment de sa divinité.

V

   Que mon âme murmure autour de ton âme comme une abeille autour d’un calice parfumé.
   Que mon amour coule dans ton cœur, comme à travers les menthes bleues, la source innocente qui vit au soleil.
   Que ma pensée soit une colombe blanche posée sur ta pensée.
   Et que ta vie se referme sur ma vie, comme le cristal sur la goutte d’eau prisonnière qu’il garde depuis de milliers d’années.

VI

   Tu ne me diras pas : Non.
Souviens-toi que j’ai baisé tes lèvres, afin qu’il ne leur échappe que des paroles de douceur.
   Tu ne laisseras pas monter la colère dans tes yeux.
   Souviens-toi que j’ai baisé tes paupières, pour que ton regard soit une caresse sur le mien.
   Tu ne lèveras pas le doigt qui me menace.
   Souviens-toi que j’ai baisé tes mains, afin qu’elles ne retiennent que des gestes de tendresse.
   Tu ne t’éloigneras pas de moi.
   Souviens-toi que j’ai baisé tes pieds, pour qu’ils reviennent fidèles vers ma maison.
   Tu fermeras ton cœur à l’amour d’autres femmes.
   Souviens-toi que j’ai baisé ton cœur à travers ta poi- trine, afin qu’il soit à moi par delà le tombeau.

VII

   Je ne te dirai plus combien je t’aime, Sylvius, je ne sais plus.
   Je poserai ma joue sur l’écorce du chêne, l’arbre de force et de fierté, je lui dirai : Que ta feuille s’envole pour lui porter l’orgueil de mon amour. J’irai vers le bouleau délicat qui palpite, l’arbre rêveur comme un rayon de lune, je lui dirai : Que ta feuille s’envole jusqu’à celui qui a tout mon amour, pour lui en dire la douceur.
   J’irai vers l’alisier qui se dore en automne, l’arbre aux fruits précieux plus beaux que des bijoux, je lui dirai: Que ta feuille s’,envole, par elle il connaîtra l’ardeur de mon
amour. Tu feras un bouquet des frêles messagères et tu les laisseras se flétrir sur ton cœur.
   Qu’y a-t-il au fond des landes tristes à la fin du jour?
   Le dernier rayon du couchant, droit comme un couteau d’or.
   Qu’y a-t-il sur les branches des chênes, quand l’ombre verse sa cendre fine sur les marais?
   Des poules noires qui vont dormir.
   Qu’y a-t-il vers les cabanes aux toits ondulés, dans le silence gris des brumes ?
   Des bergers hauts sur leurs échasses, de longs troupeaux qu’on n’entend pas.
   Et dans mon cœur, si lourd de ton absence, qu’y a-t-il ?
   Toi, mon grand amour, toujours toi.
            

                                                 Le Livre pour Toi.

 

MARGUERITE 
BURNAT-PROVINS 




CANTIQUE 
D'ÉTÉ t 



/" 



PREFACE DE 
CAMILLE LEMONNIER 




PARIS 

BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE D'ÉDITION 

E. SANSOT & CiE 

7 & 9, rue de VEferon^ 7 & 9 

MCMX 



TQ 

■ U.d'CS 



PRÉFACE 



DE 



CAMILLE LEMONNIER 



" ye naime pas la littérature^ m écrivait- 
elle. " 

Cet écrivain^ si dédaigneux de notre 
métier^ avait pourtant écrit^ avec toute la 
passion amoureuse dont le cœur de la femme 
est capable^ un livre d^ absolue beauté litté- 
raire: Le Livre pour Toi. On pourrait dire 
quelle F écrivit d^une palpitation charmée 
de sa vie^ à travers le spasme d^un excep- 
tionnel amour. 




D'une autre quelle^ il paraîtrait témé- 
raire d'ainsi parler. Mais cet amour ^ elle 
le proclame elle-même^ de ligne en ligne^ 
avec r impudique orgueil d'un cœur et d'un 
Jlanc soumis. Elle veut qu'on sache que sa vie 
n'est qii amour ^ quelle l'a donnée à Sylvius et 
que Sylvius est^ pour elle^ toutes les formes 
de l'amour. Son livre est^ en effet ^ la cla- 
meur éperdue d'une âme dévastée et qui 
brûle de tous les feux du plus volcanique 
amour. C'est aussi le balbutiement extasié 
de l'amour le plus candide et qui croise les 
mains comme fait une vierge qui prie. 

Un supplice délicieux la retourne sur les 
grils du plus consumant désir et celui-ci^ à la 
fois^ a toutes les fraîcheurs de la première 
aspiration au don de soi-même. On la sent 
torturée au cratère de sa chair et de son 
cœur^ avec P extraordinaire bonheur de 
souffrir pour l'amant comme pour un dieu. 
Elle l'appelle^ elle lui ouvre les bras^ elle 



PRÉFACE 



II 



monte au bûcher ; elle voudrait mourir 
mille fois^ mais pour lui offrir ses agonies 
et^ d'une plus délirante ardeur^ renaître 
de ses affres et de ses larmes bienheureuses. 

Madame Marguerite Burnat- Provins a 
vraiment fait entendre quelques-uns des 
plus beaux cris de ce temps et de tous les 
temps. Le Livre pour Toi, qui est son 
Cantique des Cantiques^ à elle^ ajoute une 
strophe au chant adorable de la Sulamite. 

Comme celle-ci^ elle va par le désert 
et la montagne^ elle gravit le chemin des 
vignes^ elle crie sous les chiens roux de la 
canicule. Et voici le bien-aimé : elle déchire 
sa tunique et lui dédie le calice rouge de sa 
vie. 

Elle est bien la sœur des dévorantes 
filles de Lybie^ la sœur aussi de celles qui^ 
avec le divin Adonaï blessé^ mouraient et 
ressuscitaient pour mourir encore. Ne por- 
te- t-e lie pas en elle la mort et la résurrection ^ 



12 PRÉFACE 

avec les myrtes et les roses dont se couronne 
un orageux et vertigineux amour f Elle est 
la Bacchante des cultes orgiaques et la 
Vestale des mystères d'Eleusis, Elle eût été 
Déjanire^ si Déjanire avait brûlé pour 
Hercule qui brûla pour elle. Toute la sensua- 
lité éparse des âges et des mythologies aboutit 
ici au tendre et furieux délire de la douce 
femme animale soumise à P éternelle fonction 
sacrée. 

ye ne crois pas qu aucune ^ plus que 
r Amante du Livre pour Toi, soit allée aussi 
loin dans la sensualité et Paveu. Elle a 
r enivrement émerveillé de sa chair comme 
d'un jardin au fond duquel frémit^ salan- 
guit et s'irrite la fleur secrète du désir. Elle 
se confesse comme elle aime^ avec la volupté 
de se donner toute à tous en croyant encore 
ne se donner quà Sylvius, 

Toutes les grandes amoureuses ne lui 
ressemblèrent-elles pas^ même une Sainte 



PRÉFACE 



13 



Thérèse^ dans cette soif de V holocauste 
d'amour f D'où lui viendraient d'ailleurs 
ses rougeurs f Elle est l'Eve qui ne voit pas 
quelle est nue dans l'innocence d'un éternel 
matin. Elle est toute la nudité de l'amour 
avec la chasteté^ plus belle d'être sans voiles. 

Telles strophes de son Cantique ont des 
limpidités si profondes que rien n'y paraît 
plus agiter V insondable pureté originelle. 
Le corps lui-même alors s' immatérialise 
et n'est plus que la forme délicieusement 
expirée d'une âme. C'est le mystère d'une 
sorte d' insexualité mystique où l'on sent la 
vague intérieure égalisée en attendant quaux 
sources troubles du sang^ de nouveau retentisse 
le cri saccadé de la passion. 

Peut-être ce sera^ dans la pléiade des 
grandes muses amoureuses^ la gloire de 
Marguerite Burnat- Provins d'avoir prêté 
un langage aux intimités muettes de l'amour. 
Elle s'est penchée sur l'être obscur et l'a 



14 PRÉFACE 

écouté vivre sa vie de songe et de lait entre 
les pauses ou se refait le désir. U amante de 
son livre^ alors^ na plus que des paroles 
si douces qu elles sont comme du silence qui 
bat des ailes. 

Sylvius ! jeune homme inconnu^ beau 
comme les bergers de Virgile^ existes-tu 
réellement ou n es-tu que P aimable fiction 
à travers laquelle une sensibilité de femme 
exprime le rêve de s'immoler à la gloire de 
r amour vainqueur f Quand après le Livre 
pour Toi 5 Madame Burnat- Provins écrira 
tel autre chant passionné^ tu ne seras pas 
loin et elle retrouvera^ à chanter ta louange^ 
des accents qu'on croira n entendre que pour 
la première fois. 

Mais^ comme si ce n était point assez encore 

pour une tendre et mortelle illusion^ voici 

qu^elle presse son cœur entre ses doigts et en 

fait jaillir^ comme le sang d'une suprême 

cuvée^ les adorations du Cantique d'Été 



PRÉFACE 



15 



auquel cette page sert de propos liminaire. 
Et Von ne sait plus ce qu^ il faut admirer 
le plus^ de cet art au pur dessin d^une 
artiste païenne ou de cette merveilleuse faculté 
d^ aimer qui se rajeunit d^ infiniment se 
prodiguer. 

Camille Lemonnier. 



OFFRANDE 



Sylvius, en ton honneur j'ai chanté ce 
Cantique pendant les jours longs de l'Eté. 

Je fais ce vœu qu'il soit très-doux à ton 
oreille et que ton cœur fidèle l'entende 
encore quand je ne serai plus. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



21 



Maintenant, c'est un autre été et je 
viens près de toi. 

Il tombe sur la route des fleurs d'ac- 
cacia blanc, cette neige de Juin. Le vent 
qui secoue sa chevelure bleue, court avec le 
torrent dans la vallée emplie jusqu'au bord 
de soleil et le chant du coucou tinte dans 
les forêts. 

Je m'achemine lentement vers cette 
montagne qui voit à ses pieds ta maison. 



22 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Ta voix s'élève, je retrouve ton sourire 
fleuri comme la nielle joyeuse, je prends 
tes mains si fraîches que je crois avoir 
trempé les miennes dans le courant du 
ruisseau. 

Sylvius, avec cette heure radieuse com- 
mence ma vie d'été. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



23 



II 



La lune passe, les villages reposent et 
nous marchons. 

Sous nos pas, les cailloux font un bruit 
fin de colliers qu'on remue. 

Le rêve est étendu sur les champs, 
l'amour blotti dans toutes les ombres, tes 
doigts sont noués à mes doigts. 

Et, tout-à-coup, tu t'arrêtes et tu songes 
aux lointaines solitudes où tu pourrais lancer 
une monture rapide sur la trace des buffles 



24 CANTIQUE D'ÉTÉ 



ronflants, des grands cerfs aux nobles ra- 
mures. • . Tes yeux s'inondent d'inconnu. 

La lune passe, les cailloux se taisent. 

Immobile je suis devant toi. 

Sylvius, tu es beau comme le dieu pro- 
tecteur de cette nuit paisible et ton visage 
paraît d'argent. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



25 



III 



J'ai aimé les saisons, mon amour, pour 
les fleurs que je t'ai offertes, pour les fruits 
que tu m'as donnés, pour la flamme qui 
t'éclaira et pour tant de chaudes caresses 
quand il neigeait. 

Et cet été brûlant n'est si beau que 
parce que je te vois lisse et nu comme un 
grain de blé. 



26 CANTIQUE D'ÉTÉ 



IV 



J'ai posé près de toi un bouquet des 
humbles fleurs qui parsèment les prés : l'om- 
belle rose de l'archangélique, la sauge violette, 
les campanules penchées, les silènes et le 
thyrse élégant du sainfoin. 

J'y ai mêlé des graminées qui tremblent 
et la gerbe modeste va réjouir tes yeux. 

Sylvius, le jour descend. 

Voici le miel et le pain noir. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



27 



Voici le lait couvert d'une crème épaisse, 
mange et bois. 

Mes mains qui ont travaillé tout le jour 
ne peuvent t'oiFrir que ce frugal repas. 

Mais quand la nuit prudente, de son 
pas silencieux, aura fait le tour de la maison, 
c'est près de ton amie que tu t'endor- 
miras. 



28 CANTIQUE D'ÉTÉ 



V 



Sylvius, il faut que notre été d'amour 
soit un long chant passionné, un foyer où 
jamais n'apparaisse la cendre. 

Nous en conserverons l'écho mélodieux 
et l'ardent souvenir pour réchauffer les 
années froides quand soufflera le vent 
d'hiver. 




VI 



Lève-toi avant que le soleil ne vienne 
regarder ton toit par-dessus l'épaule dure 
de la montagne. 

Marche, confiant et fort, dans la pous- 
sière blanche, travaille pour honorer tes 
jours. 

Mais, quand tu gravis les pentes où 
croissent les chênes, quand tu te reposes 
plus haut que les vignes à l'abri bienfai- 
sant d'un pommier ; quand tu lèves les 



30 CANTIQUE D'ÉTÉ 

yeux vers les cimes ou que tu les abaisses 
vers le torrent, Sylvius, toi qui possèdes ma 
vie, n'oublie pas un seul instant que je vis. 



CANTIQUE D'ETE 



31 



VII 



Jamais le cœur qui aime n'épuisera son 
chant. 

Le vent s'est-il lassé de bruire depuis 
la naissance du monde ? 

Les feux ont-ils cessé de rouler dans 
l'espace ? 

La mort arrête-t-elle son bras infati- 
gable. 

Et l'amour sa chanson ? 



32 CANTIQUE D'ÉTÉ 



VIII 



Tu es simple et pur comme la lumière 
dorée que verse le soleil. 

Ta jeune vie se déploie aux rayons du 
zénith, tel un triomphal étendard. 

Ouvre les bras^ secoue la tête et ris 
parce que l'heure est belle, parce que le 
ciel est éclatant, parce que la sève bouil- 
lonne au cœur des arbres verts et que les 
abeilles sont étourdies de parfums. 

Ris, je verrai tes dents luire plus blan- 



CANTIQUE D'ÉTÉ 33 



ches que les blanches amandes, je bon- 
dirai vers toi pour me suspendre à tes 
épaules plus fortes que les branches du 
cerisier et tu mordras le fruit écarlate de 
ma bouche. 

Ris parce que je t'aime et qu'il est 
midi. 



34 CANTIQUE D'ÉTÉ 



IX 



Les papillons volent, les fleurs vivent, 
les arbres font des dômes qui s'emplis- 
sent de jour, qui s'emplissent de nuit. 

Le soleil tourne, l'ombre se déplace, 
tout est mouvement et chaleur et beauté. 

Parce que c'est l'été, tes caresses sont 
plus pénétrantes et ton sang coule en 
moi par ton baiser. 

Prends mes hanches qui frémissent, 
prends mon âme émerveillée dans tes mains 



CANTIQUE D'ÉTÉ 35 



brunes comme le pain mordu par la 
flamme, brunes comme le maïs mûri sur 
les coteaux brûlés. 

Alors, je fermerai les yeux pour mieux 
sentir glisser entre mes lèvres le miel 
divin de ton amour. 



36 CANTIQUE D'ÉTÉ 



X 



Je jase et tu dis : Folle ! 
Toi, si tu chantais pour moi, je pleu- 
rerais. 



: 



CANTIQUE D'ÉTÉ 37 



XI 



Combien de fois, durant le jour me 
suis-je dit : 

Mon oiseau vole à travers les monta- 
gnes, il se pose sur le granit, chante et 
repart tout baigné de lumière. 

Mais à l'heure de ton retour une émotion 
toujours nouvelle me saisit. 

Tu es là. 

Je te respire, ô bouquet de mes rêves, 
jusqu'à la plus étourdissante ivresse. 



38 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Et mon cœur te regarde avec les yeux 
secrets qui ne s'entrouvrent que pour toi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 39 



XII 



Ta chair, faite de clarté, est plus mysté- 
rieuse que la nuit. 

Tu ignores d'où vient le flot qui l'anime 
et qui roule sans trêve comme l'eau des- 
cendue des glaciers. 

Aux heures enfiévrées il bondit et tra- 
verse en tempête ton cœur déchaîné, puis 
s'apaise et s'endort comme la plus discrète 
des sources. 

Sylvius, jamais tu ne sauras à quoi je 



40 CANTIQUE D'ÉTÉ 



songe quand tu sommeilles et que j'en- 
tends, à la fois, le torrent qui ronge la 
vallée et le flux ténébreux qui serpente 
dans ton corps superbe et abandonné. 




XIII 



A travers tes doigts je vois, prisonnière, 
une grappe d'accacia blanc, toute chaude, 
au goût de miel. 

Tu l'as pressée contre ma bouche et 
entre nous la fleur agonisante et passionnée 
a consumé tout son parfum. 



42 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XIV 



Tu m'as dit : Passe tes bras autour de 
mon cou. 

Et j'ai levé les mains. 

Dans ce geste, ô Sylvius, sais-tu com- 
bien je me donne, sais- tu combien je 
crois. 

Attachée là comme une ancre au rocher 
je te confie ma faiblesse, mon corps que 
tu protèges, mon âme que tu gardes en toi. 

Et quand mes doigts se joignent sur ta 



CANTIQUE D'ÉTÉ 43 



nuque résistante, toutes les craintes sont 
mortes, tous les chagrins enfuis parce 
qu'entre tes bras refermés tu me porteras. 



44 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XV 



Sylvius, voici de luxuriants parterres, 
ils font toute la joie de mes yeux. 

Je les contemple, immobile, dans mon 
adoration d'été. 

Tu peux fouler cette herbe heureuse, 
briser des tiges et tuer des parfums pour 
te griser de leur agonie, dans la lumière 
enchanteresse de midi. 

Et quand tout sécherait à tes pieds, le 
jardin mort m'en paraîtrait plus beau car. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 45 



seul, je t'y verrais toi, grande fleur étince- 
lante et fraîche, au soleil. 



46 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XVI 



Un homme est sorti du cellier en por- 
tant des outres de vin. 

Une femme quitte les ruches, elle a pris 
des rayons de miel. 

Moi, je viens du pays des merveilles, 
j'en ai rapporté ton amour. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 47 



XVII 



La cascade est dénouée comme Téche- 
veau de fil jeté sur ma corbeille, les sapins 
sont noirs et bleus, les nuages jouent dans 
le ciel. 

Il y a, près de moi, un églantier nain. 
Ses fleurs vives, larges papillons, sont 
prêtes à s'envoler, les tarins chantent dans 
les yèbles. 

Je sais que tu m'aimes, Sylvius, ta 



48 CANTIQUE D'ÉTÉ 



pensée monte jusqu'à moi du fond de la 
vallée, le vent me caresse pour toi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 49 



XVIII 



Lorsque tu m'as saluée, Sylvius et que 
tu t'en vas, je pleure des larmes lourdes, 
perles chaudes nées d'un océan de tendresse. 

Ce sont là les très-pures que je voudrais 
garder intactes entre mes doigts, pour les 
mêler à l'aube avec la rosée blanche qui 
rafraîchit le pré et lave les innocents 
visages des fleurs. 



50 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XIX 



. Le vent fait remuer la tête verte des 
noyers ; il défie l'armée noire des sapins 
qui monte à l'assaut des pentes, il baise là- 
haut la robe froide de la neige, l'écharpe 
folle des nuées, il explore les horizons. 

Dis-moi que tu l'aimes, Sylvius, le vent 
généreux et fort qui féconda jadis les 
cavales de Lusitanie, car ce soir, il se fait 
humble et attentif devant notre amour. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 51 



Sens-tu passer son haleine dans tes 
cheveux blonds ?... 

Mais, ton bras serre ma taille à la briser, 
ton regard sonde l'obscurité, que cher- 
ches-tu ? 

Est-ce l'odeur sèche et grise du foin 
ou celle de mes cheveux que tu respires. 

Maintenant, les scabieuses ployées tou- 
chent mon front, les yeux dorés des 
étoiles nous regardent. 

Ecoute la nuit, comme une eau lente 
et bleue qui s'étend. 

Tu te penches, que me dis-tu ? 

Je n'entends pas. 



52 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XX 



Laisse mon âme dans ta main, elle 
m'est devenue étrangère pour vivre en toi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 53 



XXI 



Avec le lézard vif, cours dans les pier- 
riers gris d'absinthe où fleurit le sedum 
aux feuilles charnues, auprès du physalis 
brûlant et des calendules dorées. 

Les clématites penchées ont pour toi 
des caresses et la sabline mince et trem- 
blante contemple ton repos à midi. 

Moi, je garde la maison et j'attends. 

Le chat est étendu devant la porte, le 
soleil vit dans la chambre. 



54 CANTIQUE D'ÉTÉ 



Sur Tescabeau je suis assise et pourtant, 
Sylvius, ce matin, ne m'as-tu pas empor- 
tée en partant. 



K 



CANTIQUE D'ÉTÉ 55 



XXII 



Si mes bras étaient assez grands, je 
serrerais contre moi la montagne. 

J'appuierais ma joue à la toison drue 
des forêts, je rafraîchirais mes lèvres aux 
neiges éternelles et, tandis que les pointes 
des rocs me transperceraient le cœur, 
par-delà le vol des aigles, je crierais mon 
amour en plein ciel. 



56 CANTIQUE D'ÉTÉ 



] 



XXIII 



O Sylvius, que se lève le vent de tris- 
tesse qui amoncelle les nuages. 

Que vienne la pluie des larmes. 

Que les lanières cinglantes des douleurs 
me flagellent. 

Et je demeurerai immobile. 

Parce qu'au-dessus de la tempête il y a 
l'éclat de ton front, qui est un soleil. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 57 



XXIV 



Sylvius, les fanfares du rouge te plai- 
sent, les coquelicots chantent dans les blés. 

Regarde-les battre des ailes, découvrir 
leur cœur noir et le dérober aussitôt. 

A travers les minces colonnettes des 
épis, regarde-les se pâmer éperdûment, 
jusqu'à ce que leurs pétales épuisés se 
déchirent et se perdent sous les doigts 
prodigues du vent. 

N'envies-tu pas la mort ardente et folle 



58 CANTIQUE D'ÉTÉ 

de la fleur enivrée de souffles et de chaleur, 
qui exhale son âme enflammée dans la 
gloire du jour. 

Viens, Sylvius, dans les champs d'or de 
ma tendresse, mourir aussi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 59 



XXV 



Non, ce n'est pas ton visage, ce n'est 
pas ton étreinte que j'aime, Sylvius. 

Ce n'est pas cette mort qui est ton 
œuvre et dont je renais. 

C'est ton âme, toujours lointaine, que 
je cherche inlassablement. 

Et c'est le tréfonds de ta vie que je 
voudrais que tu me donnes, sur tes lèvres, 
comme un baiser. 



6o CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXVI 



Laisse-moi te dire des choses très- 
douces dont tu riras. 

Laisse-moi te parler comme à l'enfant 
que mes bras ignorent, que mes flancs 
stériles ne porteront jamais. 

Laisse-moi me pencher vers toi comme 
je me pencherais sur la petite tête inno- 
cente qui aurait l'odeur de la chair fraîche 
et du duvet. 

Et quand tu entendras jaillir de mon 



CANTIQUE D'ÉTÉ 6i 



cœur les mots qui vont à l'éternel absent, 
peut-être que tout-à-coup, devenu grave, 
tu me baiseras sur le front, lentement. 



62 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXVII 



J'ai broyé entre mes dents les tiges des 
bromes tandis que, couchée au bord du 
sentier, je regardais courir les grosses 
fourmis noires. 

Je serre entre mes dents les mèches 
blondes désordonnées tandis qu'allongée 
près de toi^ dans le miroir profond de tes 
yeux je regarde surgir par des venelles où 
s'écrasent des roses, les désirs fous qui se 
heurtent et se pressent. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 63 



La tige des bromes est sucrée, mais tes 
cheveux ont l'arôme que prend au fond des 
boîtes de laque, le thé noir et précieux. 



64 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXVIII 



La pluie est tombée toute la nuit, je l'ai 
entendue se plaindre. 

Sur les chemins trempés le souple escargot 
promène sa maison oscillante comme une 
nef sur les vagues. Ses yeux investigateurs 
scrutent Tornière et le terne visage des 
cailloux. 

Près de la cascade sont abattus les sapins 
blonds, et lame aromatique des résines 



CANTIQUE D'ÉTÉ 65 



flotte, doucement évaporée dans l'air du 
matin. 

Les orges se sont couchées sous le galop 
des chevaux de minuit, les arbres pleurent. 
Mêlé au roulement gonflé des ruisseaux, le 
chant des oiseaux est plus frais et le brouil- 
lard traîne sa caresse grise sur les sommets. 

J'aspire l'odeur forte de la terre abreuvée 
qui remercie. 

Avant que se relèvent les ronciers alour- 
dis et les capsules veinées des silènes je 
songe, Sylvius, aux larmes que tu bois sur 
mes joues et qui, dans mon cœur, font tout 
ployer. 



66 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXIX 



La coupe de mon âme est pleine à 
déborder. 

Ouvre tes deux mains que je verse. 
Parfume-toi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 67 



XXX 



Par toi, je connais un merveilleux 
bonheur. 

C'est le bonheur de la fleur éclatée, du 
blé qui jaunit, du pommier qui s'agenouille 
sous son fardeau brillant. 

C'est le bonheur des eaux libres, du 
vent vigoureux, de la lumière immense 
répandue sur toute la nature. 

Quand je te vois près de moi, la joie 



68 CANTIQUE D'ÉTÉ 

sans nom envahit mon âme et je voudrais 
lancer mon cœur dans le soleil. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 69 



XXXI 



Le désir gonfle ta lèvre, comme les 
midis de Juillet gonflent la pomme tenta- 
trice. 

Il y a des rayons noirs au fond de tes 
yeux, une lueur d'orage dans tes cheveux 
blonds. 

Tu te courbes, presque farouche, ainsi, 
dans les plaines, j'ai vu l'aulne tordu se 
courber sous la force du vent. 

Ta poitrine bat, ton cou palpite, mes 



70 CANTIQUE D'ÉTÉ 

paupières sont closes comme les calices 
repliés au couchant. Je n'entends que ton 
souffle, je ne te vois plus !... 



CANTIQUE D'ÉTÉ 71 



XXXII 



"J'ai étendu ma main pour que tu y 
poses ta tête ". 

J'entends encore ta voix et la douceur 
infinie de tes paroles. 

J'ai laissé ma joue sur la paume tiède 
comme la laine des brebis. 

N'as-tu pas senti que toute ma vie, 
colombe prisonnière qui ne veut plus sa 
liberté, était là, charmée et muette, sur ta 
main étendue. 



72 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXXIII 



Ensemble nous reposons dans la forêt 
haute, au pied d'un rocher froid où s'atta- 
chent les fougères. 

Une chèvre perdue nous regarde de ses 
longs yeux d'agate, en broutant les feuilles 
pendantes des cytises. 

Son regard aigu et doré est celui d'une 
princesse transformée qui redevient femme 
vers la nuit. 

Ta main, toute chaude contre mon visage. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 73 



a la senteur des gommes transparentes que 
les écorces fendues pleurent au soleil ; la 
lumière amoureuse cercle ta nuque et la 
baise à la place où mes lèvres s'attachent. 

Et moi, attentive, je sens l'heure vermeille 
toucher mes épaules, je la sens entrer dans 
mon âme comme la reine splendide entre 
dans le palais qui l'attend et je la convie à 
demeurer. 

" Passe lentement, lui dis-je, et tout bas 
parle à mon sommeil de celui qui dort près 
de moi. " 



74 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXXIV 



Encore une journée morte. 

La lune ronde suspend une perle géante 
au front de la montagne. 

Si la fatigue clôt tes lèvres et abat tes 
paupières, ne me dis rien. 

Je ne veux de toi, ce soir, que le lointain 
sourire qui vient du premier jour où tu m'as 
souri. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 75 



XXXV 



J'étais pauvre. 

Tu m'as donné les étincelants rubis d'al- 
légresse, les longs colliers d'or des caresses 
et les perles des larmes douces et les opales 
des sommeils entre tes bras. 

Tu m'as donné des diamants de pureté, 
des émeraudes d'espérance et les profonds 
saphirs du rêve. 

Que je suis riche maintenant ! 



76 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XXXVI 



Il n'y a personne. 

Le pré immense est vide, la forêt, la mon- 
tagne et le ciel nous appartiennent. 

Tu dis qu'il y a des pays, des villes, des 
hommes ? 

Je ne vois que notre amour insolent et nu. 

Il n'y a personne. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 77 



XXXVII 



Je tiens ton cœur entre mes mains et 
tout le jour je le regarde. 

C'est un fruit dont je me délecte et qui 
renaît, plus savoureux que la reinette mûre 
qui choit dans l'herbe et que les guêpes 
creusent ; plus désaltérant que le raisin que 
tu détaches des pampres inclinés. 

Laisse-le vivre et mourir et ressusciter au 
soleil de mon amour. 

Laisse-le s'éveiller et s'endormir comme 



78 CANTIQUE D'ÉTÉ 

le chat blotti contre mon sein, Sylvius, car 
je ne te le rendrai pas. 






CANTIQUE D'ÉTÉ 79 



XXXVIII 



C'est le soir, tout est tranquille, des mou- 
ches volent et la fenêtre est close. 

Donne-moi ce baiser, tu sais, qui est fra- 
ternel et ne l'est pas. 

Sur mon visage, pose tes lèvres chastes et 
fermées. Elles ne laissent filtrer que la ten- 
dresse sans brûlure, la douce, la profonde 
qui met un frisson frais dans mes cheveux. 

Mon cœur s'endort et, tandis que tes 
mains rejointes me tiennent tout entière, sou- 



\ 



80 CANTIQUE D'ÉTÉ 

mise, contre toi, sans ouvrir les yeux, qu'ai-je 
dit? 

Je ne suis bien que là. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 8i 



XXXIX 



Il y a dans tes yeux des fleurs qui vacillent, 
des flammes qui fleurissent, de fins ruisseaux 
et de longues prairies. 

Il y a du ciel qui bouge, des horizons qui 
s'enfuient, des paysages d'un vert argenté qui 
se transforment, des oiseaux noirs, en vols 
eflilés, par-dessus les étangs. 

Et quand tu m'aimes, Sylvius, il y a tout 
l'amour volontaire, étonné, dans tes yeux. 

Alors, je plonge et je me baigne au sein 



82 CANTIQUE D'ÉTÉ 

des ondes éclairantes de ton regard couleur 
d'eau. 

Je cueille des fleurs nées pour moi, je 
traîne mes doigts dans les flammes, je tra- 
verse les campagnes illuminées qui me sol- 
licitent. 

Et tout-à-coup je meurs, noyée, brûlée, 
sous tes yeux. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



83 



XL 



Mon bien-aimé la forêt te possède, elle 
t'endort dans ses bras bruns. 

Elle t'aime et te flatte de son ombre 
séduisante. 

Contre le tronc fraternel de l'arbre, tu 
t'abandonnes comme sur mon épaule. 

Sylvius, je suis jalouse de l'ombre et de 
l'écorce et du silence qui baise ton col nu. 



84 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XLI 



La femme qui clame son orgueil est 
insensée. 

Je dis : rien n'est plus doux que de 
courber le front sous le désir et la caresse. 

Rien n'est plus beau que de tendre les 
mains aux liens de la captivité. 

Rien n'est plus fort que de s'abandonner 
à sa faiblesse. 

Parce que mon maître a pris ma chair, 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



85 



enchaîné mes poignets et fait peser sa force 
sur mes épaules, je suis une femme. 
Que serais-je sans lui? 



86 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XLII 



Je chante une chanson sans paroles qui 
monte avec le cri du pâtre jusqu'aux plus 
hauts sommets. 

Je chante pour toi. 

La forêt m'entend ainsi que le loriot et 
m'écoutent les pierres. 

Mais ton cœur, ô Sylvius, m'entend-il ? 



CANTIQUE D'ÉTÉ 87 



XLIII 



Ta vigne généreuse offrait ses grappes 
pleines dans le pays que nous avons quitté, 
t'en souviens-tu ? 

Comme elle, donne-toi. 

Viens, les mains ouvertes, les lèvres ten- 
dues, les yeux illuminés, tout vibrant de ton 
rire qui est une claire musique. 

Tu me diras des mots joyeux comme 
l'aube. 

Viens. 



88 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Et tu répandras le bonheur sur mon sein 
glorieux, comme une grande gerbe frisson- 
nante, cueillie dans l'entière clarté, à midi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



89 



XLIV 



Je mets mon front contre ta hanche et 
je ne pense plus. 

Il me vient une force obscure de ta chair 
qui a le parfum du pain. 

Seul, en moi, veille l'instinct libre et sau- 
vage qui tend mes bras pour les attacher à 
ton cou, qui cherche ta poitrine pour y 
laisser rouler ma tête appesantie, sous la pro- 
tection de ton cœur. 



90 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Car tu es l'arbre droit et moi la vigne 
retombante. 

Tu es la pierre et moi la mousse. 
Tu es la puissance et moi l'abandon. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 91 



XLV 



Cette soirée est mélodieuse comme un 
chant de harpe. 

La lune magicienne n'a pas encore fran- 
chi la montagne, mais le ciel répand une 
adorable clarté pleine d'amour. 

Que n'es-tu près de moi à contempler, 
sous ma fenêtre, l'argent fleuri du rosier 
blanc. 



92 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XLVI 



Toi qui m'as apporté l'hommage de ta 
force orgueilleuse, repose- toi. 

Ta tête est lourde sur mon bras replié. 

Entre tes lèvres, je saisis des mots que tu 
n'achèves pas, les mêmes que t'arrachait le 
bonheur bref et tuant qui te pénétrait jus- 
qu'aux os, lorsque tu m'as prise en riant, au 
milieu du jour. 

Les routes sont chaudes mais la chambre 



CANTIQUE D'ÉTÉ 93 



est fraîche ; des chars passent au loin, ici 
tout est silencieux. 

Restons l'un contre l'autre, comme les 
touffes de l'orpin serrées entre les pierres. 

Dormons enlacés, tandis que l'Été appuie 
ses mains ardentes sur le toit. 



94 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XLVII 



J'écoute, dans les prés, le rire muet des 
fleurs, de tant de fleurs. 

Je sais la joie secrète qui vibre sous les 
écorces, parce qu'aux branches fières les 
fruits d'Été sont suspendus. 

Je sais l'hymne du seigle qui monte pour 
devenir le pain. 

Je sais que mon amour enfle son aile et 
vole dans un air enchanté. 

Et je titube comme si j'avais bu, par une 



CANTIQUE D'ÉTÉ 95 



soirée chaude, un plein cratère de vin de 
Samos. 



96 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XLVIII 



Je ne possède plus rien, j'ai tout donné. 

Me voici nue comme la pierre. 

Le soleil me vêtira. 

La pluie m'abreuvera. 

Et je me nourrirai de ton baiser. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 97 



XLIX 



Laisse-moi crier : Encore, encore. 

Je ne suis pas la sœur de ces femmes aux 
yeux glacés qui se taisent. 

Je tends mes mains impérieuses pour 
tordre et pour broyer, ma bouche vorace 
pour goûter aux essences enivrantes. 

Je darde mes prunelles volontaires sur la 
vie, sur l'amour et, sur toi, je jette mon 
désir comme le pêcheur, dans la rivière, 
lance le circulaire épervier. 



98 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Jamais je ne serai rassasiée de ta chair 
lumineuse. 

Ne me dis rien. Etends les bras. 
Laisse-moi crier. 




J'ai prononcé des paroles éternelles, Syl- 
vius, tu as souri. 

Tant que s'ouvrira la semence, tant que 
tourneront les fruits, tant que s'étendra la 
couleur pour embellir les corolles, il y aura 
des fleurs de délices, des moissons de ten- 
dresse et des fruits de volupté dans les 
champs des âmes jeunes, fécondées par 
l'amour. 

Et c'est cela que j'ai dit. 



'•nîvers; 
''OTHCC 



«."k-Zi 



loo CANTIQUE D'ÉTÉ 



LI 



Je dois bénir les dieux qui m'ont donné 
deux fois la vie. 

Car ton âme est en moi et ton corps est 
le mien. 

Mais je les supplie chaque soir de ne 
nous donner qu'une mort. 



CANTIQUE D'ÉTÉ loi 



LU 



Tu m'as demandé : " Qu'est-ce donc, 
aimer ? 



Aimer, Sylvius : c'est être moi, pour 



toi. 



102 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LUI 



Je t'ai donné tous mes frissons, tous mes 
soupirs, toutes mes larmes et tous mes cris 
de volupté. 

J'ai posé le vol de mes rêves sur ton 
épaule blanche : à toi, les grands paradi- 
siers ! 

Ma volonté brisée retombe entre tes 
doigts ainsi qu'une liane. 

J'ai oublié qu'il existait un monde pour re- 
fermer sur toi et ma mémoire et ma pensée. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 103 



Il me reste le sang qui chante ta beauté. 
Cherche, cherche encore et dis-moi ce 
que je pourrais te donner. 



I04 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LIV 



Une femme qui pense et qui m'aime, 
s'écrie en parlant de l'Amant : 

" Non ce n'est pas là le soleil ! " 

Et je réponds : 

Vous vous trompez, vous vous trompez ! 
C'est bien là le soleil, car, lorsqu'il a disparu, 
je ne vois plus sur ma route que l'ombre et 
le froid, assis l'un contre l'autre et grelot- 
tants. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 105 



LV 



SylviuSjje t'ai bercé de paroles puériles et 
tu riais. 

Je t'ai appelé : Mon oiseau. 

Parce qu'en un jour de lumière tu t'es 
posé sur l'arbre de ma vie, à écouter l'hymne 
de ton amour, il a frémi jusque dans ses 
racines et, sous le vent du bonheur, ses 
feuilles et ses rameaux ont tressailli. 

Trois années ont passé sans amener 



io6 CANTIQUE D'ÉTÉ 



d'hiver : la sève court, les fleurs et les fruits 
se succèdent. 

Ne t'envoie pas, mon oiseau, reste, ô 
génie de l'éternel Été. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 107 



LV 



Tu entres dans la chambre avec le par- 
fum des pêches que tu m'apportes. 

Tu dis : " Voici pour toi. " 

Et c'est vraiment tout l'Été que tu m'of- 
fres, Sylvius, entre tes mains. 



io8 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LVII 



Comme la déesse vénérée naquit des flots 
créateurs de l'Océan, tu es sorti, Sylvius, 
d'une vague d'amour subitement dressée sur 
la grève émue de mes jours. 

Elle est venue mourir en baisant mes 
genoux. 

Mais ta lèvre suave a ignoré le sel et ta 
joie roule sur ma joie, comme l'onde éper- 
due roule sur le rocher. 

Voilà pourquoi, quand tu t'éloignes. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 109 



j'aime sur l'humble chemin qui te porte, 
usqu'à la trace de tes pas et, dans le beau 
matin qui t'écoute, jusqu'au dernier son de 
ta voix. 



iio CANTIQUE D'ÉTÉ 



LVIII 



Le torrent coule entre les pierres et ma 
vie coule entre tes mains. 

D'un geste tu peux la suspendre. 

Veux- tu joindre tes doigts, comme pour 
une prière au Destin, et l'arrêter un soir où 
dans son cours elle emporte des roses, un 
soir où tu m'auras aimée. 



CANTIQUE D'ÉTÉ m 



LIX 



Ce que tu veux de moi, ô bouche ardente 
ouverte sur ma vie, c'est, pour garder la pour- 
pre de tes lèvres, tout le sang de mon être: 
Prends ! 

Ce que tu veux, ô fleur d'ivresse, pour ton 
épanouissement, c'est toute la chaleur de 
mon âme : Prends. 

Et quand je ne serai plus que cendre, que 
ce soit ton soufile encore qui vienne la ré- 



112 



CANTIQUE D'ÉTÉ 



pandre au pied de ces montagnes où nous 
nous sommes aimés. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 113 



LX 



Les matins succombent sous les fleurs, les 
soirs sont gorgés de parfums, tout le jour 
brille et chante entre les bras chauds de 
Cérès. 

J'ai jeté ma tunique inutile pour donner 
ma poitrine aux abeilles, mes doigts aux 
papillons. 

Les feuilles jouent autour de mon visage 
et le geai m'a crié des folies en passant. 

Es-tu jaloux, Sylvius ? 



8 



114 CANTIQUE D'ÉTÉ 



Le soleil m'a prise à la nuque, son corps 
de feu m'a possédée. 

Maintenant, je sens croître dans mes en- 
trailles un fruit lumineux d'Été. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 115 



LXI 



Mon cœur est ivre de toi, il chancelle, ô 
mon Ami, replace le doucement dans ton 
cœur. 

Il ne sait plus rien. 

Il faut que tu lui redises pourquoi la 
montagne est haute, le ciel si bleu, pourquoi, 
ce soir encore, il viendra des étoiles. 

Il faut que tu lui redises pourquoi tu vis, 
ma merveille, plus beau que la montagne. 



ii6 CANTIQUE D'ÉTÉ 

plus joyeux que le ciel, plus doux que la 
plus douce étoile. 

Remplis-le jusqu'au bord de ton amour. 

Alors il se tiendra droit comme une am- 
phore fière et débordante d'un vin parfumé. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 117 



LXII 



Tu m'as quittée, Sylvius, je t'ai vu dispa- 
raître à la courbe de la vallée. 

De loin tu me demandes: "Que fais-tu?" 
Comme l'arbre donne le fruit, 
Comme la treille donne la grappe, 
Comme l'épi donne le grain, 
Sylvius, je t'aime. 



ii8 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXIII 



Sylvius, j'ai vu les jardins reposés au cré- 
puscule et le demi-sommeil des néfliers et 
des buis. 

A l'heure de la lumière verte comme le 
cœur d'un flacon vide, j'ai vu le Silence sous 
les châtaigniers. 

Ah! que ses mains sont douces. 

Il a pris ton ombre aimée et l'a tendue 
vers moi pour que je baise ta bouche muette 
et tes yeux clos. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 119 



LXIV 



La porte s'ouvre et tout m'apparaît lumi- 
neux. 

Ai-je aperçu le lac criblé de rayons 
aveuglants. 

Ai-je vu le haut tournesol rire dans une 
clarté d'or. 

Ai-je entendu chanter ensemble tous les 
oiseaux ? 

C'est toi, Sylvius et c'est ta voix. 



I20 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Donne ta tête blonde, sur mes paupières 
qui frémissent, dis-moi encore: Bonjour! 



CANTIQUE D'ÉTÉ 121 



LXV 



Il n'est au ciel aucun nuage, jusqu'au fin 
fond de l'horizon tout est d'un bleu dur et 
précieux. 

Réjouissons-nous fort de la couleur 
vibrante de ce beau jour. 

Que le rire attache sa lumière rouge à 
nos dents. 

Que l'oisiveté et l'amour enroulent à nos 
chevilles de larges rubans d'or. 

Et que nos pensées vermeilles, jusqu'au 



122 CANTIQUE D'ÉTÉ 

soir, soient de grands papillons dormants et 
paresseux que la canicule engourdit. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 123 



LXVI 



Laisse ton front contre mon front pour 
qu'il écoute ma pensée. 

Laisse ton cœur contre mon cœur afin 
que tous deux se répondent. 

Je tiens dans mes mains tes hanches par- 
faites, cette urne obscure et chaude où som- 
meille la vie. 

Laisse couler en moi la pure essence de 
ton être. 



124 CANTIQUE D'ÉTÉ 



Et ce soir encore, je me redresserai fière 
et vibrante d'avoir été vaincue. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 125 



LXVII 



Le sommeil glisse dans la chambre près 
d'un rayon silencieux. 

Il incline ta tête. 

Dors Sylvius, dors mon bien-aimé et 
quand tu t'éveilleras je déchirerai sur ta 
bouche les pétales de ton rire doux. 

Il s'effeuille entre tes lèvres, comme le 
géranium rouge laisse choir du balcon fleuri 
les parcelles de sa beauté. 



126 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXVIII 



Te voici étendu près de moi. 

Ton poing fermé repose sur ma paume 
ouverte, tranquille et fort. 

Et, dans le silence, ta chair jeune répond 
à la mienne, sans caresses. 



i 



CANTIQUE D'ÉTÉ 127 



LXIX 



Tes yeux qui s'ouvrent sont les portes 
d'émeraude de mes palais. 

Tandis qu'autour de nous l'Été roule sa 
flamme, là je m'en vais trouver la divine 
fraîcheur, les aigrettes d'eau vive qui font 
sonner les vasques, mille visages de fleurs 
au rire colorié. 

Sur mes doigts viennent les oiseaux pal- 
pitants qui ne s'enfuient jamais. 

Ce sont les seuls gardiens des trésors de 



128 CANTIQUE D'ÉTÉ 



ta joie, de ton innocence et de ta volupté. 
Et mes palais n'ont point de clefs. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 


129 


LXX 






Il faut que je te dise 


une 


chanson, 


Ecoute : 






Il y a moins de grains 


dans 


toute la 


moisson que de baisers pour 


toi ( 


mtre mes 


lèvres, o ma Beauté. 






Moins de gouttes serrées 


dans 


le lit du 


torrent que de larmes pour 


toi ai 


i fond de 


mes deux yeux, o mon Tourment 


1 


Et moins d ardeur dans 1 


'astre 


qui peut 


■ 



I30 CANTIQUE D'ÉTÉ 

nous rendre fous, que d'amour dans mon 
cœur pour toi, ô mon Amour. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 131 



LXXI 



Je ne veux pas louer les pays inconnus, 
parce que mes yeux les ignorent, ni parler 
de la gloire, car mon front n'attend point de 
couronne. 

Ton âme, c'est le pays enchanteur et 
secret où mon âme s'égare. 

Ma gloire ! J'ai conquis ta forme harmo- 
nieuse et je t'entends vibrer comme une lyre 
sous mes baisers. 



132 CANTIQUE D'ÉTÉ 

A chacun sa victoire, ô souverains envieux 
et altérés. 

La mienne me suffit. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 133 



LXXII 



Ne t'ai-je pas dit, ô Sylvius, combien 
j'avais souffert avant de te connaître. 

Ainsi, je partageais le sort de tant de 
mortels, car la souffrance est avec nous. 

Comme lorsque la terre a tremblé, les 
ruines se couchaient dans mon âme, mais 
par-dessus la douleur et la mort, une grande 
fleur s'est levée: Toi. 

Auprès d'elle un oiseau chante inlassable- 
ment et c'est mon amour. 



134 CANTIQUE D'ÉTÉ 1 



Si ce chant doit charmer les heures sacrées 
de ta jeunesse, qu'elles l'écoutent bien en 
passant, car aucune ne peut s'arrêter, aucune 
ne se retournera pour savoir si l'oiseau et 
la fleur sont encore là. 

Et d'autres paraîtront qui les feront périr. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 135 



LXXIII 



Combien je les plains, Sylvius, ces 
femmes qui n'aiment pas l'amour, qui n'ont 
point admiré le mystère du geste, ni deviné 
l'apothéose, cette mort généreuse qui mé- 
nage un réveil. 

Pauvre troupeau courbé d'esclaves, elles 
ne savent pas que les chaînes sont d'or, 
que le joug est fleuri et que, dans le vivant 
sillon, c'est à l'instant que la moisson des 
voluptés se lève. 



136 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Moi, je me dresse contre toi comme le 
flot épouse la falaise, comme le lierre étreint 
la tour. 

J'appelle le vent de folie qui secoue mes 
cheveux et, de t'aimer jusqu'à la lassitude, 
je ris au visage enflammé de la vie. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 137 



LXXIV 



Tu me contemples de haut, Sylvius. 

Ton regard transparent me rafraîchit 
comme la pluie de Mai. 

La joie se balance dans mon âme. 

Ne parle pas. Donne-moi ta main dorée 
et laisse-la entre les miennes ta main pré- 
cieuse et grande, ô mon Amant. 



138 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXV 



Toi qui fais de ma vie un hymne qui va 
de l'aube au soir, Sylvius, le connais-tu ? 

Je dis : Voici la fleur du serpolet et celle 
de l'osier que j'ai cueillie dans la forêt; 
voici l'orchis, né au pied des bouleaux purs 
comme les cires blanchies à la rosée et des 
rêves en gerbes qui montent tels que les 
fumées droites quand le temps est beau. 

Toute mon âme en bouquet pour toi; 
prends ! 



CANTIQUE D'ÉTÉ 139 



Je dis: voici les cerises gaies, les cassis 
noirs comme mes yeux, les mûres qui sai- 
gnent et les voluptés plus rouges que les 
tomates insolentes. 

Tout mon corps parfumé pour toi : prends! 

Ton souffle évapore mon âme, elle vole 
à travers des jardins de délices et puis, sur 
ta bouche fraîche, elle vient se poser. 

Mon corps ondule au gré de tes caresses, 
il se courbe et se relève, ainsi fait l'épi 
chargé sous le vent du sud, et puis, sur ta 
poitrine, il retombe apaisé. 

Que ton oreille s'appuie à ma lèvre alors 
muette, si tu veux l'entendre encore l'hymne 
qui continue pour Toi. 



140 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXVI 



Sylvius, je t'en supplie, ne laisse pas venir 
à moi les hommes des villes aux mains 
décolorées. 

Je les crains comme l'alouette craint le 
vautour en chasse au-dessus des vallées. 

Que le sorbier qui croît devant ma fenê- 
tre me cache leur sourire. 

Que les épines leur défendent mon seuil 
et arrêtent leurs pas. 

Je ne connais que ta candeur, que la 



CANTIQUE D'ÉTÉ 141 



limpidité de tes yeux qui me réjouissent 
comme le coin de ciel bleu que j'aperçois 
dès le matin. 

Étends sur moi l'ombre de ton manteau 
car tu sais que, fidèle et solitaire, je ne veux 
vivre que pour toi. 



1+2 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXVII 



Lentement j'ai détaché les voiles de la 
statue et je me suis inclinée. 

Je ne sais pas si l'univers existe pour me 
voir prosternée à tes pieds, mais je sais que 
je t'adore, toi. 

Je sais qu'il faut jouir ardemment du bon- 
heur d'être remplis d'une flamme sacrée, 
tant que la jeunesse et la vie joindront nos 
regards, enchaîneront nos mains. 

Et je sais qu'il faut épuiser l'amour 



CANTIQUE D'ÉTÉ 143 

jusqu'à notre dernier souffle avant que le 
soleil, haut encore, ne tombe à l'horizon. 



144 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXVIII 



Dis-moi, Sylvius, pourquoi j'aime ta 
poitrine plate, tes poignets droits et tes 
doigts longs, si naïvement repliés durant ton 
sommeil. 

Dis-moi pourquoi j'aime chaque mouve- 
ment qui élance ou fléchit ton corps splen- 
dide, au rythme d'une mélodie qu'on n'en- 
tend pas. 

Dis-moi pourquoi je m'agenouille, ivre 



CANTIQUE D'ÉTÉ 145 

d'humilité pour te baiser les pieds, les yeux 
fermés sur la vision éblouissante. 

Dis-moi pourquoi je t'aime plus que le 
soleil. 



10 



146 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXIX 



J'ai emprisonné ta tête sous mon voile et 
tu me souriais. 

Il n'y avait, autour de nous, que les buis- 
sons penchés et le parfum musqué des 
fraises. 

Et, sous le vent, les grands épis d'un 
champ de sarrazin nous saluaient. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 147 



LXXX 



Fais-moi mal, veux- tu ? Fais-moi bien 
mal avec tes mains longues qui me tiennent 
l'âme, comme une mouche, entre deux 
doigts. 

Fais-moi bien mal avec tes dents trop 
douces au fond de ton baiser. 

Fais-moi mal avec ta force qui me veut 
et qui broie. 

Et puis tu me guériras, avec tout toi. 



148 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXXI 



Dors, mon amour, laisse-toi emporter, la 
barque est ténébreuse et glisse dans l'oubli. 

Dors, je veille sur toi, tu n'entends rien 
du chant muet de ma démence. 

Tu ne sens pas mes lèvres sur tes che- 
veux et, dans la mort tiède du sonmieil, tu 
ne sais pas que je meurs près de toi. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 149 



LXXXII 



Que dire encore avec des paroles ? 



Arrêter ma bouche à ta tempe, fermer 
les yeux. 

Ecouter le mystère qui flotte et tressaille 
dans la beauté des heures d'Août. 

Laisser venir à nous le silence magnifique 
tout éblouissant de joyaux, le silence rare 
du jour. 



I50 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Sentir nos âmes se fondre entre les 
mains dominatrices de l'amour. 
Sans paroles. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 151 



LXXXIII 



La fenêtre est ouverte. 

Je ne vois que les prés, les vernes, le lac 
et les montagnes, aucun toit qui s'anime, 
aucun visage au regard indiscret. 

J'ai chaud. 

La rosée que répand l'amour est brûlante. 

Faut-il souf&ir pour tant de corps sans 
beauté, accablés d'étofFes pesantes, pour tant 
d'âmes vêtues de noir? Non. 

J'entre dans un jardin rempli de somp- 



152 CANTIQUE D'ÉTÉ 

tueux parterres et le maître des fleurs me 
dit : 

"Je te les donne. " 

Qu'ai-je fait ? J'ai cueilli jusqu'à la der- 
nière, à pleins bras j'ai tout emporté. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 153 



LXXXIV 



Je ne veux pas songer aux yeux éteints, 
aux mains timides, aux bouches d'ombre qui 
n'ont jamais crié. 

J'ai peur des habitants des villes, qui 
n'ont qu'une moitié d'âme dans de ternes 
enveloppes et la gorge pleine de paroles 
fausses. 

Je m'éloigne de ceux qui craignent 
d'êtres nus. 

Viens, ô Miracle de ma vie, soyons sim- 



154 CANTIQUE D'ÉTÉ 

pies comme le granit dépouillé, au soleil, 
sur les sommets. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 155 



LXXXV 



Celles qui devaient tout prendre, tout 
emporter. 

Celles qui ont coupé les fleurs, détaché 
les fruits, fauché les moissons de mon cœur 
heureux et pillé. 

Celles qui s'étendent comme des feuilles, 
se replient comme des calices, se referment 
sur un secret. 

Les fortes, les vivantes, les chères mains 



156 CANTIQUE D'ÉTÉ 

épanouies au soleil dans l'herbe sensible 
aux mille tiges ployées. 

Les volontaires, les passionnées, les vic- 
torieuses, tendues dans l'ombre brûlante 
vers les bonheurs obscurs et accablants. 

Les douces, les abandonnées qui dorment. 

Les ferventes, les soumises, jointes sur 
mes genoux. 

Les ouvertes qui m'offrent ton âme. 

Sylvius, tes mains. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 157 



LXXXVI 



Mon amour danse et flambe comme le 
grand feu de joie qui fait un trou sur le 
glacier, certain soir d'Août. 

Mon bonheur tourne et court plus vif que 
le chamois qui regarde l'abîme, avec des yeux 
si doux. 

Nous avons cherché tous les deux et le 
vertige et la brûlure. Jetons-nous donc au 
gouffre et volons sur la cime. 



158 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Quand notre folie ne sera plus qu'une 
hirondelle morte, qui la ressuscitera ? 



CANTIQUE D'ÉTÉ 159 



LXXXVII 



Viens faire un beau voyage, entre dans 
mes yeux. 

C'est la nuit là- bas, la forêt pleine de 
puissants arômes, le lac qui bouge douce- 
ment. 

Aux balcons nacrés des nuages, une 
lueur monte et s'épanche et voici l'astre qui 
paraît. 

Ah ! la vivante nuit resplendit et se pare. 



i6o CANTIQUE D'ÉTÉ 

Regarde, regarde encore, oh, plus pro- 
fond. 

Mais tout se trouble, tu n'y vois plus. 
Il est fini le beau voyage, ô ma Beauté. 




LXXXVIII 



Donne-moi tes mains, Sylvius, que je 
regarde les veines de tes poignets, les fils 
bleus qui sont les mailles de ta vie. 

Je suis tranquille à tes pieds. 

Il est trois heures, la canicule pèse sur la 
vallée, tout est assoupi, je me tais. 

Je ferai ce que tu voudras. 

Tu me diras : " Ma douce" et je baiserai 
longuement la place chaude et blanche qui 
bat. 



II 



i62 CANTIQUE D'ÉTÉ 



LXXXIX 



Sache bien, ô Sylvius, que je te remercie. 

Tu as illuminé ma vie ainsi qu'une salle 
de fêtes où doit apparaître un grand roi. 

Mes jours, auprès de toi, luisent et trem- 
blent comme des cristaux suspendus autour 
des cires flamboyantes. 

L'aube et le soir se dorent, se parfument, 
deviennent précieux. 

Et tes doigts, en touchant le clavier de 
mes heures, y font de merveilleux accords. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 163 



XC 



Je voudrais te tuer un soir au pied d'une 
haie rougie par les fruits ardents du tamier. 

Là, j'arrêterais la jeunesse que tu m'as 
consacrée, je lui ferais un lit odorant de 
menthes argentées. 

Sous les arceaux des rosiers sauvages, ta 
face dormante serait un pur ivoire serti d'or 
fin et ta beauté intacte retournerait à l'infini 
avant d'être touchée par l'aile fauve de l'au- 
tomne. 



104 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Sylvius, l'étreinte passionnée de l'Été fait 
chanter la montagne, les soirs sont eni- 
vrants. 

Je presse dans mes mains le jus de la 
mélisse dont on parfume les ruches et, près 
de la haie, je t'attends. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 165 



XCI 



Je ne vais pas la tête lourde de pensées 
profondes, le front penché. 

Il n'est en moi qu'une espérance. 

Entre les bras verts du sureau je me tiens 
au seuil de ma porte, au crépuscule, et je 
t'attends. 

Les fleurs délicates et blanches, très par- 
fumées, tombent sur mes genoux. 

La foudre noire qu'est l'hirondelle vient 
rayer l'air et l'heure tremble à t'espérer. 



i66 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Quand tu parais, le temps se pâme sur 
le sein battant de la joie. 

Si tu t'éloignes, il vient traîner dans mon 
cœur vide ses pieds froids. 

Je ne vais pas courbée sous les pensées 
profondes. 

L'éternité, Sylvius, ce sont les heures où 
je ne te vois pas. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 167 



XCII 



La lampe a rendu fou le papillon de nuit, 
il sera mort bientôt d'être entré dans la 
chambre. 

Et moi, Sylvius, je tourne et je m'épuise 
autour de ta beauté, sans doute un soir je 
mourrai, de t'avoir aimé. 



i68 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XCIII 



Non, je ne connais point le fard qui 
souille le baiser, ni la robe étroite qu'on 
lace, ni cette vanité qui détourne l'amour. 

Les hommes sont bien loin de moi et 
l'univers s'arrête où s'arrêtent tes yeux. 

J'ai dit tout simplement : 

Me voici. Je suis petite et nue, que ton 
désir se penche, que ton amour me vête de 
douceur. 

Sylvius, je t'appartiens. 




XCIV 



Je n'invoquerai pas cet invisible amour 
qu'on dit avoir des ailes, je ne le connais 
pas. 

Je ne suis pas allée m'agenouiller au tem- 
ple vide où l'inutile encens ne doit parfu- 
mer que les pierres... Pourquoi ? 

Mais j'ai touché le dieu qui me parle et 
m'embrase. 

J'ai prié la statue qui s'anime et j'ai connu 
la chaleur de ses flancs. 



I70 CANTIQUE D'ÉTÉ 

L'idole a couvert mes années de fleurs, 
elle a fait éclore des fruits aux rameaux fer- 
mes de mes heures. 

Je n'ai point d'autre culte. 

Mon corps est le brasier, mon âme le 
parfum : ô dieu, vivant Amour, accepte, 
prends. 



CANTIQUE D^ÉTÉ 171 



XCV 



Quand je pense tout haut, je dis : Viens 
ma merveille. 

Donne-moi ta bouche, donne-moi tes 
mains, tout ton corps aimé que je l'aime 
encore. 

J'ai mis mon cœur immatériel et mon 
âme à tes pieds, ce sont deux fleurs d^or et 
de sang. 

Je n'avais qu'elles dans mon jardin. 



172 CANTIQUE D'ÉTÉ 

Maintenant je n'ai plus rien et je t'adore, 
viens, ma merveille... 

Je dis cela comme la cloche vibre et 
sonne en frémissant. 

Écoute-moi, écoute-moi ! 









CANTIQUE D'ÉTÉ 173 



XCVI 



Va, tu peux me faire souffrir, et, si tu 
veux, me torturer. 

La grande mer de mon amour porte une 
flotte de galères chargées de douceur, char- 
gées de tendresse, chargées de pardon. 

Et ta vie serait bien trop courte pour en 
épuiser tant et tant. 



174 CANTIQUE D'ÉTÉ 



XCVII 



Je te verrais, parfois, assis sur le trône 
d'ivoire, au-dessus des fumées lourdes des 
sacrifices. 

Je verrais, sur tes pieds, le sang noir des 
taureaux. 

Tandis que le soleil, avant la nuit, baise 
la terre entre les oliviers, jeté verrais parfois 
loin de moi comme un dieu. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 175 



XCVIII 



Sylvius, le feu prend à la forêt, les pre- 
mières étincelles volent sur les mélèzes, un 
brasier s'allume à leurs pieds. 

C'est aujourd'hui que revient l'Automne 
porteur de brandons. 

Je marche vers toi dans la montagne, les 
fées rouges s'étendent parmi les rochers. 

Dans la rousseur des alpages, les sonnail- 
les tintent le glas discret de la saison qui 



176 CANTIQUE D'ÉTÉ 

meurt et ce soir je te donnerai le dernier 
baiser d'Été. 



CANTIQUE D'ÉTÉ 177 



XCIX 



C'est dans la gloire du soleil que nous 
nous sommes aimés. 

En haut des nues son rire immense son- 
nait par delà les montagnes jusqu'au fond 
de l'horizon. 

Ses flammes entouraient nos cœurs d'in- 
candescentes auréoles et magnifiaient nos 
fronts levés. 

Les ruisseaux, à demi taris, s'alentissaient 
pâmés dans la chaleur, et sur les chemins 



12 



178 CANTIQUE D'ÉTÉ 

blancs, la joyeuse poussière volait comme 
l'écharpe d'une messagère invisible. La terre 
embrasée éclatait. 

Et tu n'as point connu 5 Sylvius, d'Eté 
plus rayonnant. 

C'était la fête de notre amour^ de ta 
jeunesse blonde. Quand tu montais vers moi, 
pendant les longs silences où tes yeux vivaient 
dans les miens, comme une pluie ardente, 
autour de nous, nous entendions tomber du 
soleil. 



TABLE 
DES MATIÈRES 



TABLE DES MATIERES 



PREFACE 7 





OFFRANDE 


19 


I. 


Maintenant c'est un autre été et je viens près 






de toi 


21 


n. 


La lune passe, les villages reposent et nous 






marchons 


23 


IIL 


J'ai aimé les saisons, mon amour 


25 


IV. 


J'ai posé près de toi un bouquet des humbles 






fleurs 


26 


V. 


Sylvius, il faut que notre été d'amour soit un 






long chant passionné 


28 


VI. 


Lève-toi avant que le soleil ne vienne regarder 






ton toit 


29 


VIL 


Jamais le cœur qui aime n'épuisera son chant... 


31 


VIII. 


Tu es simple et pur comme la lumière dorée... 


32 



l82 



TABLE 



IX. 
X. 

XL 

XII. 

XIII. 

XIV. 

XV. 

XVI. 

XVII. 

XVIII. 
XIX. 
XX. 
XXI. 

XXII. 

XXIII. 

XXIV. 

XXV. 

XXVI. 

XXVII. 

XXVIII. 
XXIX. 
XXX. 
XXXI. 

XXXII. 



Les papillons volent, les fleurs vivent. . . . 

Je jase et tu dis : Folle 

Combien de fois, durant le jour me suis-je 

dit 

Ta chair, faite de clarté 

A travers tes doigts je vois, prisonnière. . . 
Tu m'as dit : Passe tes bras autour de mon 

cou 

Sylvius, voici de luxuriants parterres . 

Un homme est sorti du cellier 

La cascade est dénouée comme Técheveau de 
fil . 



Lorsque tu m'as saluée, Sylvius 

Le vent fait remuer la tête verte des noyers.. 

Laisse mon âme dans ta main 

Avec le lézard vif, cours dans les pierriers. . . 

Si mes bras étaient assez grands 

O Sylvius, que se lève le vent de tristesse. . . 
Sylvius, les fanfares du rouge te plaisent. . . 

Non, ce n'est pas ton visage 

Laisse-moi te dire des choses très douces. . . 
J'ai broyé entre mes dents les tiges des 

bromes 

La pluie est tombée toute la nuit 

La coupe de mon âme est pleine 

Par toi, je connais un merveilleux bonheur. . 

Le désir gonfle ta lèvre 

"J'ai étendu ma main 



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DES MATIÈRES 183 



XXXIII. Ensemble nous reposons dans la forêt. . . . 

XXXIV. Encore une journée morte... . 

XXXV. J'étais pauvre 

XXXVI. Il n'y a personne 

XXXVII. Je tiens ton cœur entre mes mains 

XXXVIII. C'est le soir, tout est tranquille. . . 

XXXIX. Il y a dans tes yeux des pleurs qui vacillent.. 

XL. Mon bien-aimé, la forêt te possède 

XLI. La femme qui clame son orgueil est insensée.. 

XLII. Je chante une chanson sans paroles 

XLIII. Ta vigne généreuse offrait ses grappes pleines.. 

XLIV, Je mets mon front contre ta bouche... 

XLV. Cette soirée est mélodieuse comme un chant. 

XLVL Toi qui m'as apporté l'hommage de ta force. 

XLVII. J'écoute dans les prés, le rire muet des 

fleurs 

XL VIII. Je ne possède plus rien 

XLIX. Laisse-moi crier : Encore 

L. J'ai prononcé des paroles éternelles 

LI. Je dois bénir les dieux 

LU. Tu m'as demandé : " Qu'est-ce donc, aimer 

LUI. Je t'ai donné tous mes frissons... . 

LIV. Une femme qui pense et qui m'aime... . 

LV. Sylvius, je t'ai bercé de paroles puériles. . . 

LVI. Tu entres dans la chambre 

LVII. Comme la déesse vénérée naquit des flots. , . 

LVIII. Le torrent coule entre les pierres 

LIX. Ce que tu veux de moi, ô bouche ardente. . 



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lOI 

102 
104 
105 
107 
108 

IIO 

III 



184 



TABLE 



LX. Xes matins succombent sous les fleurs... 

LXI. Mon coeur est ivre de toi... 

LXII. Tii m'as quittée, Sylvius 

LXIII. Sylvius, j'ai vu les jardins reposés. . 

LXIV. La porte s'ouvre 

LXV. Il n'est au ciel aucun nuage... . 

LXVI. Laisse ton front contre mon front. 

LXVIL Le sommeil glisse dans la chambre 

LXVIIL Te voici étendu près de moi... 

LXIX. Tes yeux qui s'ouvrent 

LXX. Il faut que je te dise une chanson. 

LXXI. Je ne veux pas louer les pays inconnus 

LXXII. Ne t'ai-je pas dit, ô Sylvius 

LXXIII. Combien je les plains, Sylvius, ces femmes 

LXXIV. Tu me contemples de haut, Sylvius. . . 

LXXV. Toi qui fais de ma vie un hymne... . 

LXXVI. Sylvius, je t'en supplie 

LXX VII. Lentement j'ai détaché les voiles... 

LXXVIII. Dis-moi, Sylvius, pourquoi j'aime... . 

LXXIX. J'ai emprisonné ta tête sous mon voile... 

LXXX. Fais-moi mal, veux-tu ? 

LXXXI. Dors, mon amour... 

LXXXII. Que dire encore avec des paroles ?... . 

LXXXIII. La fenêtre est ouverte 

LXXXI V. Je ne veux pas songer 

LXXXV. Celles qui devaient tout prendre 

LXXXVI. Mon amour danse et flambe 

LXXXVII. Viens faire un beau voyage 



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153 
155 
157 
159 



DES MATIÈRES 185 



LXXXVIII. 

LXXXIX. 

XC. 

XCI. 

XCII. 

XCIII. 

XCIV. 

XCV. 

XCVI. 

XCVII. 

XCVIII. 

XCIX. 



Donne-moi tes mains, Sylvius 

Sache bien, ô Sylvius, que je te remercie 

Je voudrais te tuer un soir 

Je ne vais pas la tête lourde 

La lampe a rendu fou le papillon... 

Non, je ne connais point le fard... 

Je n'invoquerai pas cet invisible amour. . 

Quand je pense tout haut 

Va, tu peux me faire souffrir. . . 

Je te verrais parfois assis 

Sylvius, le feu prend à la forêt. . . . 
C'est dans la gloire du soleil 

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