Nina Cassian (1927 – )

Les baisers

Nos baisers par centaines, milliers,
par millions tant qu’ils furent,
jamais je n’ai su les compter :
mes fruits, mes poignards, mes oeillets !
Je peux dormir et rêver sur ta bouche,
chanter et mourir sur ta bouche,
encore et encore ;
ta bouche, rade profonde
où je passe la nuit après le long voyage,
où j’arrive sans jamais la fatigue d’arriver…
Nos baisers sont des luttes
lourdes, longues, déchirantes,
où participent le sang, la voix, la mémoire.
Oh, je suis jalouse de l’eau que tu bois,
des paroles que tu prononces,
de ton souffle bleu….
Je suis jalouse de cette injuste distance
entre nos bouches.
Nina Cassian – poètesse roumaine

*§*  *d§g* Âme-Our

Tentation

Je jure de te rendre plus vivant que tu ne l’as jamais été.

Pour la première fois tu verras tes pores s’ouvrir comme

les branchies des poissons et tu entendras le bruit du sang

dans tes galleries

et tu sentiras la lumière glisser sur tes cornées

comme la traînée d’une robe sur le sol;

pour la première fois tu remarqueras la pointe de la gravité

comme une épine dans ton talon

et tes omoplates te feront mal sous l’impératif des ailes.

Je jure de te rendre si vivant que

la tombée de la poussière sur les meubles t’assourdira,

que tes sourcils te feront l’effet de deux blessures en formation

et que tes souvenirs te paraîtront commencer

avec la création du monde.

Nina Cassian (1927 – ), poétesse roumaine

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