La Folfemme est folie d’Ecriture. D’un sang à l’autre, je vais, je viens, par pulsions empourprées. Tout fait spasmes en ma saoule religion. Tout fait désir de se perdre en la divinité. le verbe phallique se sait vulvaire. Je suis d’un coït confus : mots mâles dans femelles sonorités. En ce sanctuaire, tout est permis, sauf le froid, sauf l’indifférence.
(…)
Un sexe s’ouvre. D’une mancie à peine nuancée, il m’annonce qu’ainsi je périrai : pourri de muqueuses. On me retirera, dégoulinant, d’un marécage de mots.
Marcel Moreau – “Amours à en mourir” – Ed. Lettres Vives
M’âme mots chair de toi, dans la nuit, qu’elle nous soit douce, pourtant, amour @toile-invisible
“Cette nuit, tu m’as dit : “Une matrice nous enveloppe tous deux, qu’allons nous devenir ?” Nous aurons du devenir partout où il nous en manquait. Tu inventes ce quelque chose de nos vies qui ne savait pas s’y prendre avec les occasions de changer la vie. T’en souvient-il ? Nous nous sommes attirés par aimantation chancelante, maladresses magnétisées. Nos désirs aussi se fourvoyaient, comme des débutants. Rien de tel pour s’agglutiner d’émotion autour d’un bruit à nul autre pareil, ce son inégalé qu’émet l’amour lorsqu’au lieu de parler de ce qu’il sait déjà, il parle de ce qu’il en a oublié. C’est la condition de son aurore. De cette aurore il n’aperçoit la fin, c’est en elle, et par elle qu’il refuse de vieillir. Bâtir l’amour, comme si c’était une première fois dans notre histoire, cette idée est bien un idée, c’est plus que ça : une gageure de chair et de sang, un pari sexué et pas seulement, un désir qui s’étendrait au-delà de ses bornes, jusque dans l’inconnu lascif de ces organes dont d’habitude le rôle n’est pas d’aimer ou de se faire aimer. Ils sont seulement utilitaires. Et maintenant on dirait qu’ils prennent leur part de nos enlacements.
Vous êtes venue de toutes parts et de nulle part me déloger de moi, traverser mon impasse, l’ouvrir vers le grand large. Et maintenant, chaque jour, je m’abats en vos pentes chaudes, entre vos formes douces et je vois dans vos lèvres l’accès à l’infini. Ma joie sans précédent, c’est votre innovation, je suis votre fidèle, hors de vous point d’attaches, point d’autre concurrence que la femme que vous êtes en ses métamorphoses, pourvu qu’elles soient d’amour, de cet amour que vous et moi nous disons, nous faisons à n’en plus savoir qui nous sommes vraiment, comme si notre identité, délicieusement, se grisait à l’idée de nous rendre méconnaissables à nous mêmes.
Ma main tremble à vous écrire tout cela. Ma main vous transperce d’amour pour vous écrire, et au bout, elle tremble avec le tremblement des mots. En écrivant ma main vous cherche encore alors qu’elle vient de vous traverser. Ma main voudrait sauter des pages vierges de vous pour remplir votre peau de ses cantiques à venir. Mon écriture m’embarque vers votre archipel intime, mais par quelle île commencer en vous quand c’est pour toutes que j’ai quitté le port, et laissé derrière moi mon passé d’éclusier. Je jouis, j’interroge le ciel, mais en baissant les yeux, car ce ciel a chu en vous, qui en raflez les astres, le jour, et la nuit les taillez, lorsque s’ouvrent vos nymphes, se ferment vos paupières et que je m’éblouis de votre jouissance. Mon jouir n’est rien s’il n’est le fruit du vôtre, s’il n’a su être ce mélange de terre, d’eau, et de feu dont votre ventre est fait et attend de l’amour sa cuisson. Mon plaisir est le portier tantôt ivre et tantôt angoissé de votre désir.
Je vous aime avec le brio propitiatoire des pauvres en raison, riches en inspiration. J’ai l’air de vous aimer à tâtons, en ratant des marches, au mépris des rampes, et pourtant si vous saviez comme est inflexible mon ouvrage d’amour de vous. Ses approximations sont plus dures que la pierre, plus stables que les équilibres, plus belles que les fleurons du compagnonnage. Vous m’obligez à l’indicible accord.”
“Nous amants, au bonheur ne croyant” – Marcel Moreau – Ed. Denoël.
Tu es venu toi aussi de toutes parts, de nulle part, me déloger de moi, amour, @toile-invisible
Elles avaient de gros seins, elles étaient callipyges, et leurs bas se frottant, au rythme de leurs cuisses, émettaient un son doux, lascif et lancinant. Qu’y eut-il jamais de plus inouï, dans l’ordre des bruits qui les premiers déchaînèrent tes désirs ?”
Marcel Moreau – “Corpus Scripti” Ed. Denoël
Lettre à M’Corps
Tu te couches comme une bête. Tu dors comme un veilleur. Tu te lèves comme un fou, pour aller au Livre, comme un illuminé. Tu t’es bourré d’insomnifères : les mots. Tu ne cesseras donc de m’étonner, Quintal livide et négligé, prompt à l’embonpoint… J’avais daté ta mort, volontaire évidemment, à Noël 1980. Rien de tel qu’un jour de fête pour partir, me disais-je. Tout le monde rit, bouffe, picole. C’est le moment, contre tous, d’être grave, sans être sérieux ; solitaire, sans être rejeté. Changer la crèche en morgue, réveillonner d’une balle dans la peau, plutôt qu’avec des huîtres dans la panse, ce serait là ton dernier défi, après tant d’autres. Une Amie ne l’a pas voulu. Elle a frappé à ta porte, il était 22 heures. À 23, peut-être plus, elle occupait ton ventre, braquant sa fellation jusqu’au fond de sa gorge. Tu as tiré. Il n’y eut, cette nuit-là, plus beau renversement de l’idée de suicide en réapparition de l’appétit de vivre. On a beau dire : d’une pipe à un narguilé, la différence est grande. Elle t’avait fait un narguilé, l’artiste. Entre amants, se caresser encore, se caresser toujours, c’est assez, parfois, pour que l’œuvre des sens fasse échec aux maladies de l’âme. Au petit matin, vous étiez deux inanimés de noces. Il aurait pu n’y en avoir qu’un, aboli à jamais. Christ était né, tu apprenais à renaître. Il y avait eu de l’amour, dans ce sucement obsessionnel d’un muscle par un gouffre. Étais-tu si malheureux, à l’époque ? Non, je crois bien. Tu n’étais peut-être qu’un corps qui avait oublié, un instant, le temps d’un désespoir, de jouir d’écrire, de faire jouir l’écriture. Mais ce n’est qu’une hypothèse.
Marcel Moreau – Corpus Scripti – Ed. DENOËL
RYTHME !
Mets en moi le fabuleux mal
Des cadences
Cadences blondes
Cadences noires
Blondes d’offrande physique
Noires de musculature libre
Rouges aussi car le sang
Allume la saltation aux torches d’ossature
D’ossature
D’ossature
RYTHME !
Change mon corps en outrance
Exagère mes bonds
Mes sauts
Ma sainte désarticulation
Ma transe d’énamourée
La course de mes doigts sur la peau tendue
des tambours
L’entrée violente de mes doigts dans les yeux
Du grand persécuteur
Désordonne mes membres
Tous mes membres
Ne ralentis rien
rien
rien
RYTHME !
Dénoue mes entrailles
Souffle en elles
Ce sont des flûtes des saxophones
Pour bouches d’ouragan
Casse ma boule de nerfs à vif
Prête ma gorge à Dieu et à Diable
Donne-lui la voix rauque
Infernale et
Divine
Des fauves dépossédés
Arrose-la de vin
De vin âcre
Déchire de chants inouïs le palais de craie…
Marcel Moreau – “Les arts viscéraux”
LETTRE DE MARCEL MOREAU À ANAÏS NIN (EXTRAIT). 1972.
“ Pour la première fois, je perçois l’écriture comme une drogue, quelque chose (comme vous me l’avez écrit une fois) à boire et à consommer. C’est écrit avec le corps, les nerfs et le sang et j’oserais dire qu’un tel mélange est presque plus que ce qu’un être humain peut supporter. Si vous, vous sentez que j’ai habité les profondeurs, moi je pense que vous avez traduit en mots des sensations et des expériences que je croyais indescriptibles. En un sens, il s’agit de la métamorphose de la chair en mots, ou des mots en chair. C’est un prodige… ” ressentir précise aimante, chair in elle amante, peau éthique aimante ce dont on parle, ce pourquoi on écrit, ce que l’on ressent, amour @toile-invisible