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In vino veritas

(ILL. Saturno Butto)

Le poème du vin
 
 
Je veux chanter le vin et son pourpre calice
Dressé superbement au-dessus des saisons,
Où brûlent des soleils, où des lunes pâlissent,
Par qui, désir d’aimer, soudain, nous t’aiguisons.
 
Le vin, dès qu’il jaillit vivace de la cuve,
Berçant, en arôme, un immortel effluve:
L’odeur du soleil nu parmi les serpolets,
Couché sur le sol roux aux frissons violets;
 
Crispé sur le sol dur et rose des coteaux,
Où le rythme s’entend d’une âme planétaire;
L’odeur du soleil rude et possédant la terre,
Aux chansons des grillons, aux cris des cailleteaux,
 
Aux sifflantes clartés rampant sur les murgers,
Sous leurs cailloux lovées; à la fine viole
Des abeilles. L’odeur forte, intrépide et folle
Du soleil à la terre auguste mélangé.
 
Le vin qui jase autant que la grive et le merle,
En octobre nourris par les néfliers blets,
Et poursuivant sans fin leurs jaunes triolets;
Le vin dont le sourire au bord des cuves perle.
 
Je chanterai le vin que l’hiver endormait;
Le vin qui s’inquiète et le vin qui remue,
Dès que pleure la vigne au fond des nuits émues,
Avec les rossignols, sous la lune de Mai.
 
Le vin ! Je veux chanter ses profondes luxures,
Ses luxures sacrées que le vouloir parcourt
Des dieux; où notre élan pauvre se transfigure;
Le vin par qui s’exalte et se parfait l’amour.
 
Sous les cépages d’or et penchant leurs ramures,
Le vin maître des plus éblouissants baisers
Et faisant de la chair une fournaise pure,
Un cantique au divin des corps divinisés.
 
Le vin mêlant au sang le sang des vignes torses
Et leur vigueur à tous les vents du ciel riant;
Le vin qui nous rend clairs, impérieux, brillants;
Ainsi que des Mithra domptant l’obscure force.
 
Le vin trouble et sonore avec ses tambourins
Et ses flûtes pourprées, ses chars à l’essieu rauque;
Le vin sonore et trouble avec ses hautbois glauques
Et le rythme emporté des cymbales d’airain.
 
Le vin doux-murmurant comme un amoureux pleure,
Dans le cellier clair-de-luné; le vin si doux,
Baiser qu’on sentirait au bord de ses genoux;
Le vin qu’on goûte à la chanson des chante-pleure.
 
Le vin consolateur, profond comme la tombe,
Le vin si tendre ouvert à la douleur qui sombre;
Le seul verbe compris des parias du sort;
Le vin compatissant presque autant que la mort.
 
Le vin donneur d’extase et d’amoureux sommeil
Et par qui l’on repose au coeur chaud du soleil,
A travers ses clartés fauves et purpurines
Comme aux boucles dorées d’une humaine poitrine.
 
Le vin, le vin, le vin, plein d’éclairs caressants;
Le vin qui t’illumine, ô chair obscure encor,
Où germe un dieu futur, et d’un geste puissant
Ouvre de l’infini l’immense porte d’or.
 
 
 Marie Dauguet – Peau était ce du sublime ? Tu parles Charles … Pour moi tu surpasses les beaux de l’ère de ton petit frère rongé de ses vers…