Archives de catégorie : from others

Sandra Cisneros

I am evil. I am the filth goddess Tlazoltéotl.
I am the swallower of sins.
The lust goddess without guilt.
The delicious debauchery. You bring out
the primordial exquisiteness in me.
The nasty obsession in me.
The corporal and venial sin in me.
The original transgression in me.Sandra Cisneros, from “You Bring Out the Mexican in Me,” Loose Woman: Poems

Cloud

by Sandra Cisneros
If you are a poet, you will see clearly that there is a cloud floating in this sheet of paper.
 
-Thich Nhat Hanh 

Before you became a cloud, you were an ocean, roiled and
murmuring like a mouth.
 You were the shadows of a cloud cross-
ing over a field of tulips.
 You were the tears of a man who cried
into a plaid handkerchief.
 You were the sky without a hat.
 Your
heart puffed and flowered like sheets drying on a line.


And when you were a tree, you listened to the trees and the tree
things trees told you.
 You were the wind in the wheels of a red
bicycle.
 You were the spidery Mariatattooed on the hairless arm
of a boy in dowtown Houston.
 You were the rain rolling off the
waxy leaves of a magnolia tree.
 A lock of straw-colored hair
wedged between the mottled pages of a Victor Hugo novel.
 A
crescent of soap.
 A spider the color of a fingernail.
 The black nets
beneath the sea of olive trees.
 A skein of blue wool.
 A tea saucer
wrapped in newspaper.
 An empty cracker tin.
 A bowl of blueber-
ries in heavy cream.
 White wine in a green-stemmed glass.


And when you opened your wings to wind, across the punched-
tin sky above a prison courtyard, those condemned to death and
those condemned to life watched how smooth and sweet a white
cloud glides.

Claude de Burine

Je n’habite nulle part.
Je n’ai plus de chair ni de cœur
Je n’ai que le souvenir
Qui tinte comme un glas.

Ma mémoire est de feuilles
De soleil et de brumes
De neige et de givre
Lorsque l’hiver est roi

Je n’ai plus ni pays
Ni maison,
Ni regard.

Je serai le chien qu’on écrase

Claude de Burine


À Noël — dernière lettre

   Tu m’as tout pris
L’extraordinaire, le simple,
Le complexe, le quotidien,
le rêve, l’entente.

Il ne me reste rien
Pas un coin de nappe oubliée
Pas un morceau de pain sur la table
Pas un coin de fenêtre
Sur la nuit et le jour

Il ne me reste rien
Pas une forêt sur la terre
Ni une mousse
Ni une fleur
Ni une feuille d’arbre
Pas une teinte de ciel

Cet oubli du monde au réveil
Ces yeux mi-clos sur l’âme
Ma dernière chance d’hiver
Mon dernier ciel sur la neige
Tu me les as pris
Tu m’as pris jusqu’à la seconde d’oubli

Je m’échappe à moi-même
Je me coule entre les doigts
Et je ruisselle sur ma vie
Comme sur une plaine morte

Je pense à vous
Les mots sont neufs
Fondants comme une rose de Noël
Dans l’arbre
Avec ses surprises, ses flammes, sa légende

Marcher avec toi
Me mettre du rouge avec toi
Du rouge aux lèvres
Du rouge aux ongles
Du rouge au cœur

Retrouver le monde avec toi
Dans mes deux mains
Parce que tu m’auras conté
Une pluie au printemps
Ou un cuivre qui fait l’amour
Avec le soleil

Mourir de ta chair en moi
M’endormir et rêver que je rêve de toi

Quand je reste seule
Je tends mes doigts vers ta réalité
Qui est la mienne

T’avoir pour maître
Oh ! Cette chance, ce miracle
Ce don de toi à mes côtés

Attendre
Pour te réinventer
La venue inouïe de ton visage
Connaître ton visage
Connaître ton baiser
Connaître ton amour
En mourir, en mourir.

Anne Sexton

Anne Sexton (9 November 1928 – 4 October 1974 / Newton, Massachusetts)

Anna Who Was Mad

Anna who was mad,
I have a knife in my armpit.
When I stand on tiptoe I tap out messages.
Am I some sort of infection?
Did I make you go insane?
Did I make the sounds go sour?
Did I tell you to climb out the window?
Forgive. Forgive.
Say not I did.
Say not.
Say.

Speak Mary-words into our pillow.
Take me the gangling twelve-year-old
into your sunken lap.
Whisper like a buttercup.
Eat me. Eat me up like cream pudding.
Take me in.
Take me.
Take.

Give me a report on the condition of my soul.
Give me a complete statement of my actions.
Hand me a jack-in-the-pulpit and let me listen in.
Put me in the stirrups and bring a tour group through.
Number my sins on the grocery list and let me buy.
Did I make you go insane?
Did I turn up your earphone and let a siren drive through?
Did I open the door for the mustached psychiatrist
who dragged you out like a gold cart?
Did I make you go insane?
From the grave write me, Anna!
You are nothing but ashes but nevertheless
pick up the Parker Pen I gave you.
Write me.
Write.

Juana de Ibarbourou

Je te donne mon âme nue

Je te donne mon âme nue,
comme une statue qu’aucun voile ne drape.

Nue, avec la pure impudeur
d’un fruit, d’une étoile ou d’une fleur;
de toutes ces choses qui ont l’infinie
sérénité d’Eve avant sa damnation.

De toutes ces choses,
fruits, astres et roses,
qui ne ressentent pas la honte du sexe sans présages,
et pour qui personne n’osera fabriquer des vêtements.

Dévoilée, comme le corps d’une déesse sereine,
que j’aie l’intense blancheur du lys !

Nue, et grande ouverte
par le désir d’aimer !

Je te donne mon âme nue – Juana de Ibarbourou

Sylva Kapoutikian

Dans ton âme je vis, je suis sans mesure,
II n’y a nulle place pour autre que moi.
Devant toi peuvent scintiller maints visages,
C’est moi qui te regarderai de leurs yeux,
Dans chaque voix tu entendras mon langage,
Dans chaque son tu percevras mes aveux.
Et quand le soir tu iras par les allées,
C’est mon regard que renverra le néon,
Et quand t’effleureront les feuilles mouillées,
Tu sentiras mon souffle dans ton sillon.
Dans ta chambre, dans ton monde et tout le temps
Je brouillerai
Ta vie
Ton âme
Tes papiers…
Non, tu ne peux, tu ne peux pas m’oublier !

Sylva Kapoutikian

Anna Świrszczyńska

Anna Świrszczyńska
« Et moi, je ne suis plus ni un corps ni un homme
Et je ne suis pas encore un rêve »

I’ll Open the Window

By Anna Swir

Our embrace lasted too long.
We loved right down to the bone.
I hear the bones grind, I see
our two skeletons.
Now I am waiting
till you leave, till
the clatter of your shoes
is heard no more. Now, silence.
Tonight I am going to sleep alone
on the bedclothes of purity.
Aloneness
is the first hygienic measure.
Aloneness
will enlarge the walls of the room,
I will open the window
and the large, frosty air will enter,
healthy as tragedy.
Human thoughts will enter
and human concerns,
misfortune of others, saintliness of others.
They will converse softly and sternly.

 

Do not come anymore.

I am an animal
very rarely.
I Knocked My Head against the Wall

By Anna Swir

As a child
I put my finger in the fire
to become
a saint.
As a teenager
every day I would knock my head against the wall.
As a young girl
I went out through a window of a garret
to the roof
in order to jump.
As a woman
I had lice all over my body.
They cracked when I was ironing my sweater.
I waited sixty minutes
to be executed.
I was hungry for six years.
Then I bore a child,
they were carving me
without putting me to sleep.
Then a thunderbolt killed me
three times and I had to rise from the dead three times
without anyone’s help.
Now I am resting
after three resurrections.

Parmi les recueils de poèmes d’Anna Świrszczyńska, on peut citer :

  • 1970 : Vent
  • 1972 : Je suis une femme
  • 1974 : En construisant la barricade
  • 1978 : Heureux comme la queue du chien
  • 1985 : Douleur et Joie
  • 1996 : Conversations avec mon corps

Ana Ristovic

Carte Postale désespérée

On ne collera sur moi aucun timbre,
personne ne m’enverra par la poste,
Air Mail se décollant de moi
comme de mon passeport l’opportunité d’aller à l’étranger
qui me conduirait juste
dans un putain de trou du cul.

Parce que je n’ai à offrir aucun paysage
ni le coucher du soleil à encadrer
ni les roses artificielles souhaitées pour le vase.

J’indique peu de choses, c’est presque rien.

Un texte trop exigeant
trop long, trop compliqué,
c’est tout ce que je peux offrir,
au verso

de la carte postale que personne
ne voudrait garder dans sa poche.

Parce que transporter autant de mots avec soi
ce serait comme transporter des pierres
impropres à la construction d’une maison
ou un quelconque tombeau.

Seule la date de péremption
me réduirait enfin
au recyclage.

traduit par Mirjana Robin-Cerovic

Autour de la chose

Nous voilà, femmes indépendantes.
Dans l’attente d’un nouvel amour
notre respiration est asthmatique. Gavées de pilules
de promesses trahies. Plongées dans des rêves troubles.
Vingt-quatre heures par jour nous faisons l’amour
en pardonnant à la migraine du fait de son genre féminin.

Indépendantes. A nos hommes
nous préparons des plats auxquels nous ont initiées
leurs prédécesseurs.
Des macarons en forme de clitoris.
Du ketchup qui s’épand comme le sang menstruel
promettant juste le léchage de l’assiette.

Mais nous croyons encore aux arcs triomphants
s’élevant entre le lit
et la table de cuisine.

Nous leur passons la musique que nous écoutions
au moment de perdre virginité et enfance.

De la lingerie de séduction
mélancoliques nous gardons les échantillons
portant la trace invisible d’autres spermes.
Nous roulons des hanches comme tourne le moulin :
après un certain temps il ne s’en écoule
rien qu’un peu de bile collante.

Enfin nous disons que nous ne croyons plus
à l’air partagé
celui qui réunirait les deux bouches
bien que le plus souvent nous en avons le souffle coupé.

Et nous disons que la centrifugeuse du lave-linge
nous sert uniquement lorsque nous faisons
joujou dessus en vue d’un bon orgasme.
Puis, dans  le programme du trop-plein et de l’essorage
à la place des vêtements, nous fourrons souvent
morceau par morceau, notre peau laminé.

Nous, femmes indépendantes. Nous censurons
nos paroles trop conciliantes.
Nous soutenons la révision des sentiments, et la théorie
d’une Eve innocente créée en premier
avec Adam mordant dans la pomme empoisonnée
car il désirait que Dieu
change ce serpent en deux phallus :
il pensait, le pauvret, qu’un seul
serait bien insuffisant.

Indépendantes, disais-je, plus que jamais.
Mais au long des nuits solitaires, dans la vulve étroite
nous posons de plus en plus souvent notre petit doigt miraculeux
comme si nous chargions une balle dans le canon d’un fusil
destiné à ne jamais faire feu.
Puis nous sourions, peinées, dans un rêve sans rêves.
Avec la main en lieu sûr, tant qu’elle tourne
autour du zéro moelleux.
Mirjana Robin-Cerovic

La chose

Elle rayonne. Elle te voit
là où tu ne t’es pas encore vu.
Et retient en mémoire ce que tu délaisses.

Sous le nez elle te le remet, tendrement,
avec des pincettes. Presque invisible.
Et, tiens, soudain, une masse.

Lettre à la maîtresse, au chef, au copain,
du pareil au même. Plus souvent tu écris,
plus l’on ne te retrouve que des virgules
s’il en reste encore quelques-unes.

Plus tu écris et plus augmente en toi
la peur de rencontrer quelqu’un.
Mais tu as dépeins les parties de ton corps,
et tu avais déjà dit je t’aime.

Ton visage se reflète sur l’écran
à la manière d’un cliché de radiographie.

Rien que des os.

Et ce qu’avait été le regard se mesure
par la profondeur des trous noirs.

De minuscules enfants y poussent
de la taille d’un grain de phosphore qui
bien entendu, tout comme les couches, rayonne.

Et déjà l’odeur du souffre se repand.

traduit par
Mirjana Robin-Cerovic

ana-ristovic http://www.recoursaupoeme.fr

poets

Marguerite de Valois

Louise Michel

Marie Nizet

Anna de Noailles

Cécile Sauvage

Louise de Vilmorin

Claudine Chonez

Thérèse Plantier

Gisèle Prassinos

Anne Perrier

Joyce Mansour

Anise Koltz

Liliane Wouters

Claude de Burine

Annie Salager

Joceline Curtil

Marie-Anne Bruch

 

Anna Świrszczyńska
« Et moi, je ne suis plus ni un corps ni un homme
Et je ne suis pas encore un rêve »

Parmi les recueils de poèmes d’Anna Świrszczyńska, on peut citer :

  • 1970 : Vent
  • 1972 : Je suis une femme
  • 1974 : En construisant la barricade
  • 1978 : Heureux comme la queue du chien
  • 1985 : Douleur et Joie
  • 1996 : Conversations avec mon corps

Ana – is it poetry

 

Pour la toile invisible que nous tissons chaque jour