(Ill. Anne-Camille Hubrecht)
TOUJOURS DOUX
(…)
Je veux des vers de toile ou de plumes
qui pèsent à peine, des vers tièdes
avec l’intimité des lits
où des gens ont aimé et rêvé.
Je veux des vers déchirés
par les mains de chaque jour.
Je veux des vers feuilletés qui fassent fondre
le lait et le sucre dans la bouche,
l’air et l’eau se boivent
l’amour se mord et se baise,
je veux des sonnets comestibles,
des poèmes de miel et de farine.
(…)
Que ta poésie déborde
l’équinoxiale pâtisserie
que nos bouches veulent dévorer,
toutes les bouches des enfants
et tous les pauvres adultes.
Ne continuez pas seuls sans regarder
sans désirer ni comprendre
tant de cœurs en sucre.
Je ne crains pas la douceur.
Sans nous ou avec nous
ce qui est doux continuera à vivre
et ce qui est doux est infiniment vivant
éternellement ressuscité,
parce que dans la bouche pleine de l’homme
la douceur est là
pour chanter ou pour manger.
Pablo Neruda – Recueil « Vaguedivague »