En passant

Anne Sexton

Anne Sexton (9 November 1928 – 4 October 1974 / Newton, Massachusetts)

Anna Who Was Mad

Anna who was mad,
I have a knife in my armpit.
When I stand on tiptoe I tap out messages.
Am I some sort of infection?
Did I make you go insane?
Did I make the sounds go sour?
Did I tell you to climb out the window?
Forgive. Forgive.
Say not I did.
Say not.
Say.

Speak Mary-words into our pillow.
Take me the gangling twelve-year-old
into your sunken lap.
Whisper like a buttercup.
Eat me. Eat me up like cream pudding.
Take me in.
Take me.
Take.

Give me a report on the condition of my soul.
Give me a complete statement of my actions.
Hand me a jack-in-the-pulpit and let me listen in.
Put me in the stirrups and bring a tour group through.
Number my sins on the grocery list and let me buy.
Did I make you go insane?
Did I turn up your earphone and let a siren drive through?
Did I open the door for the mustached psychiatrist
who dragged you out like a gold cart?
Did I make you go insane?
From the grave write me, Anna!
You are nothing but ashes but nevertheless
pick up the Parker Pen I gave you.
Write me.
Write.

Juana de Ibarbourou

Je te donne mon âme nue

Je te donne mon âme nue,
comme une statue qu’aucun voile ne drape.

Nue, avec la pure impudeur
d’un fruit, d’une étoile ou d’une fleur;
de toutes ces choses qui ont l’infinie
sérénité d’Eve avant sa damnation.

De toutes ces choses,
fruits, astres et roses,
qui ne ressentent pas la honte du sexe sans présages,
et pour qui personne n’osera fabriquer des vêtements.

Dévoilée, comme le corps d’une déesse sereine,
que j’aie l’intense blancheur du lys !

Nue, et grande ouverte
par le désir d’aimer !

Je te donne mon âme nue – Juana de Ibarbourou

Sylva Kapoutikian

Dans ton âme je vis, je suis sans mesure,
II n’y a nulle place pour autre que moi.
Devant toi peuvent scintiller maints visages,
C’est moi qui te regarderai de leurs yeux,
Dans chaque voix tu entendras mon langage,
Dans chaque son tu percevras mes aveux.
Et quand le soir tu iras par les allées,
C’est mon regard que renverra le néon,
Et quand t’effleureront les feuilles mouillées,
Tu sentiras mon souffle dans ton sillon.
Dans ta chambre, dans ton monde et tout le temps
Je brouillerai
Ta vie
Ton âme
Tes papiers…
Non, tu ne peux, tu ne peux pas m’oublier !

Sylva Kapoutikian

Je ne rêve plus

Je ne rêve pas,
je ne rêve plus.

Depuis qu’elle m’habite,
sa lumière déchire
le voile obscure
le bruit de ses pas,
son souffle dans la nuit,
sont la source
qui m’envahit

Je ne rêve plus.
Mes rêves savent
qu’ils ne peuvent
rendre sa douceur,
sa chaleur.
Je ne rêve pas,
je ne rêve plus,
je vis d’elle,
de jour et de nuit.

Passage

S’il le faut, je viendrai

te prendre par la main

t’emmener dans les bois sombres,

t’allonger sous le firmament.

Là, tout doucement

j’arracherai ta peau

la peau de tes cuisses,
de tes bras, de ton ventre.

Mangerai ta poitrine,

tes muscles un par un,

tes tendons tes ovaires,

ton cœur sombre.

Sucerai la moelle
de tes os meurtris,

toute la terre glacée,

à l’intérieur accumulée

la boue des jours maudits.

jusqu’à trouver la source

qui coulera à tes joues

et qu’enfin soit englouti

ce monde maudit
et qu’un autre demain
puisse fleurir de ton sein.

 

Lien

Toi et moi, tellement
à l’opposé, à l’envers,
un jour, une nuit,
la sève, la cendre,
presque rien, l’immensité,
mes mains calleuses,
ta peau d’albatre
opposés par tout,
et pourtant si proches
fondus que nous sommes
dans ce même creuset
de désolation et de solitude.