Ta bouche pavoise la mienne flopée de pavots comme des drapeaux Sur la grande plaine
Ma bouche Déplie la tienne Drapés de peaux Les ors en amants tôt Nus dans les champs du soleil
Nos bouches Simples parmi les sanglantes Sont aigles royaux S’amusant de l’air du temps Des montagnes dressées devant Les serres entre coquelicots Et succulentes…
En Apaches s’échapper De nos oueds doués Tissus si tus Lin du Nil Nous lier d’airain Casser le ressac A nos lèvres sans cervelle Les baisers reçus sucer Des rêves sévères S’emboucher à coups doux bleus Dans l’arène Ohhh… frire Aux feux rire Ô faire et des fers Au froid de nos Enfers Joug y sangs Deux nous Un nu Une nue Unis si nu Des fautes de peaurnographes Dans la course des baisers recrées…
Les ors frais de la nuit formol lisent leur cruauté de nos distantes offrandes mais de nous rangés dans la vase trouble de l’étang du mufle du groin de la gueule des babines des lèvres des crocs et des canines des couteaux des stylets de la langue des pinceaux des papilles disparates recousues soudées défrayer l’affront fait à nos solives de plonger dans l’Érythrée la Somalie le Sahara le désert de Gobi le plancher flux tuant de nos salives et dans l’épaisseur moite de nos élégies foutre le feu au camp violent de nos bouches seules essences du boire nous les prenant pour détracter la chronologie
(Brancusi – Le Baiser – Cimetière de Montparnasse)
Elle vit dans le long bloc un poème résolument moderne, une déclaration d’amour à la vie, à l’ardeur, à l’union. Elle fut frappée par cette sculpture naïve, presque enfantine, ou brute dans son rendu, qui vous pénétrait instantanément du sentiment de la passion absolue. On était loin des visages éplorés, des drapés, des tourelles, des ferronneries. On était dans un ailleurs, celui des êtres liés par l’indicible des sentiments. Camille prit le temps d’observer chaque détail. C’était un bloc carré, trois fois plus haut que large. Un bloc de calcaire gris un peu grossier parsemé d’éclats noirs. Les amants y étaient pris entiers. Nus. Enlacés étroitement. Fondus l’un d’en l’autre. Deux amants assis, face à face, leurs bras encerclant tendrement l’autre, sans pression, sans excès. Pieds à plat, cuisses repliées, jambes de l’homme enserrées avec douceur, imbriquées avec naturel entre celles de la femme. Quelques détails, à peine suggérés : une chevelure longue séparée en bandeaux dévalant le dos de la femme, le haut relief des bras, le doux rebondi du sein. Ils sont là, front contre front, regard contre regard, nez contre nez, lèvres à lèvres. C’est un baiser immense. Un amour absolu. Un acte sexuel intense et innocent à la fois. Évident.
Transe humide de mon troupeau de cigales à l’assaut de ta peau Enéide entrer le cheval de ton mâle en deux trois putsch de ma bouche pâturer l’été Le notre sexclusif au sommet du sentier
Pour la toile invisible que nous tissons chaque jour