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Ta tendre tout l’été

(ILL. Bobirova Elvira Anatolyevna)

Chapeau de paille blonde Bouteille vide ou entamée Trousseau de clés qui tombe Et c’est l’été   Grillon sous les persiennes Ta porte entrebâillée Mes pas qui vont qui viennent Et c’est l’été   Parfum froissé de chambre Dehors le blé des prés Ta peau safran et d’ambre Et c’est l’été.   —   N’être que dans ce soupir De l’être qu’on attend Respirer lentement Pour freiner le désir De souffrir De rire ou de pleurer N’être plus là ni ailleurs Mais dans cette attente Qui voudrait s’emballer Cravacher les minutes Mordre et déchiqueter Les jours et les nuits   Jusqu’à ce qu’il vienne Jusqu’à ce qu’on se souvienne Que l’instant n’est rien Sans l’infini.  
 BIELECKI Isabelle – Extraits de « Plumes d’Icare »

Cent gouffres de nous

(ILL. Ana Teresa Barboza)

Mon abandon né
Entre les leviers farouches
La hutte chaude de ta bouche
Entendre bruire le flot des oiseaux
Que tu as volé dans le ciel
En corps à l’affût
Derrière tes crocs

En toi mon astre au logos
Se fond la foi rude de mes os
Et se désaltère mon ego rythme
De l’hébétude sur l’hymne
Sanglant de tes rapides de gorge

Se jouent les tournois des vertiges
Sur mes antiques vestiges
Des arguments de ma langue
Au frontispice de ton amoureuse harangue
Éclats boues suées de salives
Entrelacs de grands précipices



Faire avaler à nos petits, ces louves, ces fauves
Des mets créant diocèses
Exsudés de nos mots, de nos rougeoyantes gangues
Creusant ventre à terre de folles tendresses

Ne se repaître de rien
Rester toujours dans la bouche d’ombre
De nos faims…

De la tête aux pierres

(Brancusi – Le Baiser – Cimetière de Montparnasse)

Elle vit dans le long bloc un poème résolument moderne, une déclaration d’amour à la vie, à l’ardeur, à l’union. Elle fut frappée par cette sculpture naïve, presque enfantine, ou brute dans son rendu, qui vous pénétrait instantanément du sentiment de la passion absolue. On était loin des visages éplorés, des drapés, des tourelles, des ferronneries. On était dans un ailleurs, celui des êtres liés par l’indicible des sentiments. Camille prit le temps d’observer chaque détail. C’était un bloc carré, trois fois plus haut que large. Un bloc de calcaire gris un peu grossier parsemé d’éclats noirs. Les amants y étaient pris entiers. Nus. Enlacés étroitement. Fondus l’un d’en l’autre. Deux amants assis, face à face, leurs bras encerclant tendrement l’autre, sans pression, sans excès. Pieds à plat, cuisses repliées, jambes de l’homme enserrées avec douceur, imbriquées avec naturel entre celles de la femme. Quelques détails, à peine suggérés : une chevelure longue séparée en bandeaux dévalant le dos de la femme, le haut relief des bras, le doux rebondi du sein. Ils sont là, front contre front, regard contre regard, nez contre nez, lèvres à lèvres. C’est un baiser immense. Un amour absolu. Un acte sexuel intense et innocent à la fois. Évident.

Sophie BROCAS – « Le Baiser »

Transe

Théodore_Géricault_-_le baiser

 

(Théodore Géricault – Le baiser)

Mon amour pour avoir figuré mes désirs
Mis tes lèvres au ciel de tes mots comme un astre
Tes baisers dans la nuit vivante
Et le sillage des tes bras autour de moi
Comme une flamme en signe de conquête
Mes rêves sont au monde
Clairs et perpétuels.

Et quand tu n’es pas là
Je rêve que je dors je rêve que je rêve.

Paul Eluard, « Mon amour pour avoir figuré mes désirs »  L’Amour, la Poésie, 1929.

 

Re Nous Elle Il sont

Catrin Welz-Stein

(Catherine Welz – Stein)

Avant toi, j’étais fille mère

Avec toi l’ère naissance

Feu âme

Fleurir la mer

Haie-voeux

A la Dent

La danse

De tes flammes

D’à t’homme.

 

« Avec certains êtres, très rares, il faudrait ne pas parler. Il faudrait tout de suite être dans les bras, caresser le visage, les paupières, les joues, les lèvres, les effleurer d’un doigt, lentement d’abord, puis dans un baiser, passionnément. S’embrasser. S’étreindre. Les mots sont inutiles. Les mots viendraient plus tard confirmer ce que les corps ont su dès les premiers instants. »

Un temps fou – Laurence Tardieu