Ah ce chemin sans dessein
Qu’il est bon et doux
De le suivre
Et de t’épouser au nu
Et que dans tes membrures
Et dans tes reliures
Que sous tes renflures
Et tes balconnés
Je me perde,
Et me savanne
Et te rebrousse
Te retrousse
Te défriche
Et te baise à l’embouti
De baisers ployés
Gros, petits et salés
Quand je te brasse
Et te brase
Te deliasse,
Et nous relie
Nous délite
Nous tombe
Te dix perce
Te pulpe
Et te rasettes
T’agraphe
Te dechire
Et te poinçone
Encore et en corps
Et que tu ne plus rien,
Juste, juste un souffle
Dans le chaud
Oh toi quand je te suis,
Et que tu me vous
Que tu me et moi
Et que je te tu,
Que je te tue.
En passant
Remous
Et là sur ta peau,
La vie terrestre
Forte, odorante,
Sur tes seins,
Chants moelleux,
Des floraisons,
Des gonflements de rosé,
Le lait maritime, les abysses
Où s’ébattent mes envies pélagiques,
Et dans tes profondeurs,
le remous de mes baisers.
Sens tendres
Poser le pieds au bord du précipice, de cette indiscernable étonnement. A l’orée de ce feu insolite, sur le bord de ta voix, retrouver cette lande plantèe aux couleurs de la vie forte, odorante et d’un ciel au sourire percolateur.
Je la reconnais, irrationnelle vibration, plan ourdis contre toute raison. Crue et pure attraction que cette lumineuse incartade aux crocs plantés dans la chair de mes flancs.
Je la reconnais mais ne peux et refuse de la réduire à ce souffle, ces runes indociles, incapable de retranscrire la fermentation qui régit ce bouillonnement de tempête dans le chanvre de nos ventres. Comment dire cette voix lactée de nos baisers. Les tiens les miens, ces élémentaires du feu, des eaux et de l’air ? Comment dire que tout ce qui vit ici, ici est fille et fils du vent, semé dans l’océan des temps premiers, strates tégumentaires de fièvres, de vœux, de scories, de bronzes patinés, d’eau salée et de sang, et que nous brulerons tout..
Et pourtant, la couleur tapie sous ma piste, explose à chaque nouveau pas que je porte sur ce tracé fluide en une vague qui n’atteindra pas l’envers de mes yeux. Rien n’est plus impatient que la forge de nos mains, de nos lèvres, je le sais, et pourtant. chaque pore percutée de soleil fait cette résurgence brûlante, écho sysmique dans la valse de notre conjugaison.
L’horizon m’échappe me disant que tu es là, inscrite dans la dune de cette chambre aux frondaisons que nous balayerons dans la marée indomptable de nos affalements, distillation d’un azur brûlant, tombant goutte à goutte dans l’ecarcelle de nos lèvres assoiffées.
Au delà de tout, entendre cette rage entre ciel et terre, ta lune changeant l’angle du monde, l’axe de nos étoiles chargeant l’insondable nuit dans la nova de nos mains arborées, une étrange félicité ..Car notre place est sur cette terre, dans cette forêt, sous ce ciel immense, là où les étoiles feront ce chemin dans nos yeux comme nous nous le ferons dans la chair liturgique de l’un dans l’autre.
Caresser
Man’ipulations
J’attise, appelle
Incante au suave
Là contre ma peau
Accrocher ce havre
Doux et chaud.
Te mesure tout du long
Et me rythme au dur
Déroule à fond
Tout contre mon cœur
Qui bat la mesure
Là au creux du chaud
Palpitant j’étrenne
Entre tes lignes
Tendres de mille vies
Le fruit de mes entrailles
Dans la chambre
De tes baisers
Ma rime a ton souffle
Et tout en complaisance
A tes manipulations
Derniers jours de solitude

Dormir dormir au plus profond de ta chair allumée
Dormir dormir après t’avoir aimée Avant de t’aimer encore
Dormir dormir comme en un songe de poème occitan
sans souci du vent du temps des eaux qui rongent le sol
Atteindre cette transparence inusable
Ce bleu tenu au secret au cœur des sables
S’éveiller rosée au bout de tes doigts
lumière de mai au creux du duvet de ta voix
pour une éternité sans rives ni rumeurs
Bloc de cristal enfin délivré de la blessure de la séparation.
*
Au fond de tes yeux Ô voyageuse insensée
dorment des taureaux
de tendresse et de fièvre
Sous ma peau rugissent des fauves aux dents violentes
qui déchirent et dévorent interminablement mes mots
Ces mots que pour tes cils d’herbes des grandes prairies
je rameute dans le froid de la nuit
la poitrine brûlée par la toux rauque
les lèvres sèches Les lèvres ouvertes à force de prières.
*
I
Le soleil gesticule entre les herbes vertes
Tes jambes sont des colonnes de brumes
II
Il fait jour sur ta bouche et dans tes seins
Sur ton front je puise l’eau du matin
III
les songes noirs sont rentrés sous terre
la longue pérégrination débouche sur la lumière
IV
Tu m’apprends un pays un alphabet d’arbres et de chemins
tu me révèles le mouvement des sèves et des pollens
V
Surgi de l’obscurité mes yeux tremblent à l’orée
de l’éblouissante clarté des jardins
VI
Enfoui dans ta chair blonde jusqu’au sang secret
je déchiffre la douce haleine du divin
VII
je suis maintenant vaste comme une steppe une pampa
Lové dans ton souffle je sais que je ne meurs pas
VIII
Sur les parois de la chaleur ton nom est une étreinte
Et la mort gémit à l’instant où je la feinte.
*
Pour toujours toi et moi
confondus dans le miroir des saisons
deux racines surgissant du même humus
deux feux soudés par l’éclat de la passion
Pour toujours Eurydice et Orphée
En une seule gerbe
saluée par le cri des fées
le cantique des cantiques des herbes.
*
Dans tes yeux voyagent des caravanes
Dans tes paumes transitent des steamers
aux noms d’îles de brûlants pavots
Dans tes seins rient des enfants clairs
Dans mes paroles meurent des vaisseaux
des femmes aux cheveux dénoués
Entre mes épaules sombrent des neiges pures
Quand je crie c’est pour effrayer l’azur
Dans tes lumineuses joies errent des continents
Dans ton sexe flambent des palais de Babylone
Dans ton sang hurle le loup des songes écarlates
Dans ma voix blanchit la langue des hautes époques.
*
Un troupeau d’étoiles bételgeuse
pour mes famines secrètes
Une femme liane et bambou
La Beauté assise sur mes genoux
De quoi tenir tête
aux clous
aux hiboux
aux fous
À la mort haineuse
ennemie de toutes les fêtes
et des amants libres et debout.
*
Que les morts se taisent sur ma bouche
Que j’ose vivre enfin
donner la pâtée aux chiens lugubres de mes désirs
libérer les océans qui dorment fourbus dans mes reins
Je ne veux plus être le gardien sombre
de tous ces corps déchus
de tous ces songes passés au fil de l’épée
je veux être debout parmi les blés et les écumes
du Pacifique
Que les morts se taisent au noyau de mon chant
qu’ils cessent d’empoisonner ma rugueuse marche
j’ai soif d’espace et d’une Femme aux lèvres
de lait de chèvre
j’ai hâte de bâtir demeure d’herbes et d’argile
foulée aux pieds
Que les morts se taisent quand mes enfants
rient au bord de la rivière
j’ai vertige d’une prairie, d’un matin aux lueurs
de safran
Je veux qu’on m’accueille au pays des sèves et
des poussières
Sachez qu’autour des feux gitans on parle de
moi on m’attend
La plus belle fille de la tribu qui a des yeux de
charbons ardents
prendra ma main quand je surgirai, dira l’ancien :
« Père voici mon amant. »
*
Avec ces mains qui ont tué l’ennemi
je te fais briller à minuit
Avec ce sang aux cicatrices innombrables
je couvre ta nudité Je défends ton silence de femme
Avec ces ongles qui ont rageusement griffé l’arbre
quand l’absolu se dérobait comme une lueur folle
Je t’arrache au sommeil des mortes.
Avec cet amour paysan je te donne feuilles et fruits
Avec ces lèvres qui ne sont que douceur et tremblement
je t’épouse dans un tumulte de fleurs rouges.
André Laude – Extraits du recueil
UN TEMPS
À S’OUVRIR LES VEINES
Paru en 1979 chez Les Éditeurs français réunis – collection « Petite Sirène » Paris.
André Laude l’Insoumis
Ne me demande pas pourquoi j’écris
ne me demande pas pourquoi tête la première
je plonge dans le tumulte volcanique des syllabes
que le passage de mon corps réveille
Ne me demande pas pourquoi au lieu de dormir
comme font les honnêtes gens
je cloue à minuit des papillons de couleurs et de sons
sur le ciel des solitudes
Ne me demande pas pourquoi je saigne auprès des lampes
ne me demande pas pourquoi dans la rue
j’enlace le tronc d’un marronnier en pleurant les cheveux sur les yeux
pour ne pas être vu
Ne me demande pas pourquoi Lazare appelle et parle dans mes veines
pourquoi je bondis d’un espace à un autre
pourquoi j’enfonce les ongles dans la jacinthe brûlante des draps
alors que déchiré d’amour j’ai une respiration de fleuve entraîné par l’élan élémentaire
Ne me demande pas pourquoi ceci n’est pas vraiment un poème,
mais un feu de mots soudés par la salive le souffle
Ne me demande pas
Écoute. Regarde. Ouvre les mille pupilles sèches de ton sang
Tends l’oreille dans la direction de la rue de la terre sueurs et larmes
Écoute
Regarde :
Les géantes copulations de la clarté et du néant
le temps aux tempes des hommes. Les éclairs des famines.
Ne me demande pas.
***
si j’écris c’est pour que ma voix vous parvienne
voix de chaux et sang voix d’ailes et de fureurs
goutte de soleil ou d’ombre dans laquelle palpitent nos sentiments
si j’écris c’est pour que ma voix vous arrache
au grabat des solitaires, aux cauchemars des murs
aux durs travaux des mains nageant dans la lumière jaune du désespoir
si j’écris c’est pour que ma voix où roulent souvent des torrents de blessures
s’enracine dans vos paumes vivantes, couvre les poitrines d’une fraîcheur de jardin
balaie dans les villes les fantômes sans progéniture
si j’écris c’est pour que ma voix d’un bond d’amour
atteigne les visages détruits par la longue peine le sel de la fatigue
c’est pour mieux frapper l’ennemi qui a plusieurs noms.
***
Calmement j’annonce les temps neufs
Calmement j’annonce les revendications
De soleil et de chair du peuple
Calmement je vous crache à la gueule
si vous dites que tout ceci n’est pas de la poésie
Calmement j’écris ce qui précède
Et ce qui va suivre
En sachant bien que la langue
Doit coller à la vérité des hommes
Qu’elle doit se faire humble, salir ses mains
A l’huile des moteurs
Se vêtir de gros draps
Trainer dans les taudis et les hôpitaux
Visiter les solitaires les malades les angoissés les humiliés et offensés
Boire avec les ouvriers des trains du petit jour
Calmement je vous répète que je me fous
De savoir si les esthètes les branleurs du verbe
Auront ou n’auront pas la nausée
En lisant ces paroles absolument sincères qui ne cherchent pas l’absolu
***
Poésie et vérité 1971
Extrait 2
Nous savons saluer l’aurore
nous sommes civilisés
nous faisons comme tous les peuples
l’amour la guerre des enfants
nous enrichissons les riches
avec notre sueur notre imagination notre sens de l’ouvrage
bien fait
nous sommes de bons citoyens
on nous récompense royalement : exil migraine chômage
rêves différés accidents du travail
Nous nous lavons les dents
avec des dentifrices célébrés dans les colonnes du Monde,
de L’Humanité ou du Figaro
parfois nous attrapons la mauvaise fièvre gauchiste
les poux de la subversion nichent dans nos cheveux
nous parlons français. Avec l’accent. Longtemps nous avons
tourné la tête pour pleurer
quand le vieux parler irritait soudain nos paupières
Mais maintenant c’est fini
Nous savons saluer l’aurore
nous avons étudié l’économie
nous savons à quoi nous en tenir
nous sommes des êtres humains à part entière
nous savons à quoi nous en tenir
LA RÉVOLUTION OCCITANE fleurira bientôt en livres de
sang et foudre dans les vitrines des libraires du Quartier latin.
***
Parce que nous en avons assez d’être parqués dans les
pâtures empoisonnées du malheur
parce que nous en avons assez de loger dans l’aile en
ruine de l’histoire
parce que dans nos poignets brûlent des avoines et des
seigles de tendresse
parce que des faims neuves provoquent des émeutes au
fond des faubourgs du sang
et que les écluses de la patience fléchissent à travers la
géographie mouvementée de notre rêve
Nous allons seller les chevaux fabuleux de la révolte et
du courage…
***
André… né un 3 Mars 1936, parti un jour de 1995, on ne sait où… Mais il est toujours là parmi nous, plus que jamais. Ce jour amour, c’était le poète, l’homme insoumis des mots. Plus tard, je te donnerai à lire l’amoureux.
A CŒURS réponses denses



Amour , tu sais maintenant que je les aime tous deux dans la si belle expression de leur amour . Je sais que tu les aimes aussi car dans la singularité de leur passion, ils ressemblent néanmoins à tous les amoureux. Aujourd’hui j’avais de nouveau envie de nous les partager…
Aimer en lys

J’AVAIS UNE FLEUR
J’avais une fleur – appelée : lys –
Dans mon jardin elle vivait, à moitié cachée
pudique et virginale le jour :
Une Marie immaculée florale
Mais la nuit elle dénudait son sexe
Ardente, elle luisait dans le noir
Elle brûlait, suave, sensuelle
comme une Marie-Madeleine pécheresse
Hulda Lütken – poétesse danoise
Cette fleur de moi pour toi amour, Eve et Lilith , Lilith et Eve
Jolis émois de mai

De mon cœur jaillit
De l’eau si pure qui, débordée,
Devient toute turbide.
Tu es un fils du péché,
Moi aussi, j’en suis une fille.
*
Par les trois milles lieux,
Je parvins auprès de toi,
Ô mon amoureux,
Aujourd’hui que de l’osier
Les duvets s’éparpillent.
*
Ô nous sommes en mai,
Ils sont de couleur du feu,
Les champs de la France.
Toi, tu es un coquelicot,
Un coquelicot, moi aussi.
Yosano Akiko – Poétesse Japonaise
Une des toutes premières féministes de son état au monde. Pas assez selon certaines, notamment la radicale Hiratsuka Raichô. Mais Yosano Akiko était avant tout une femme sensuelle, une grande amoureuse, une poétesse audacieuse et elle a eu la raison de s’en naître.
Ceci pour toi mon amour, mon tendre, mon irrévérencieux Verbe Sauvage