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De la tête aux pierres

(Brancusi – Le Baiser – Cimetière de Montparnasse)

Elle vit dans le long bloc un poème résolument moderne, une déclaration d’amour à la vie, à l’ardeur, à l’union. Elle fut frappée par cette sculpture naïve, presque enfantine, ou brute dans son rendu, qui vous pénétrait instantanément du sentiment de la passion absolue. On était loin des visages éplorés, des drapés, des tourelles, des ferronneries. On était dans un ailleurs, celui des êtres liés par l’indicible des sentiments. Camille prit le temps d’observer chaque détail. C’était un bloc carré, trois fois plus haut que large. Un bloc de calcaire gris un peu grossier parsemé d’éclats noirs. Les amants y étaient pris entiers. Nus. Enlacés étroitement. Fondus l’un d’en l’autre. Deux amants assis, face à face, leurs bras encerclant tendrement l’autre, sans pression, sans excès. Pieds à plat, cuisses repliées, jambes de l’homme enserrées avec douceur, imbriquées avec naturel entre celles de la femme. Quelques détails, à peine suggérés : une chevelure longue séparée en bandeaux dévalant le dos de la femme, le haut relief des bras, le doux rebondi du sein. Ils sont là, front contre front, regard contre regard, nez contre nez, lèvres à lèvres. C’est un baiser immense. Un amour absolu. Un acte sexuel intense et innocent à la fois. Évident.

Sophie BROCAS – « Le Baiser »

Coeur d’atouts

(Photographie d’Amanda Charchian « Eros »)

L’âme-our, le notre
est celui qui se passe de commentaires
de dictons, de savoir – faire
d’avis de conseils de devoirs de français
et même d’apprentis philosophes
sans culotte ou sur la tête
De nos brins débris de rien
Un feu aux étoupes
Mais
Aux crins des herbes
Embraser nos atours
En faire un cœur d’atouts
Je m’à peau re-prie ta langue
je suis à toi comme tu es à moi
Personne d’autre que nous
n’a besoin de cet amour-là…

Bouchées de fleur

(ILL . Agnes Cecile – Sentless Flowers)

(…)
Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.

Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,

Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Éventent mes douces ardeurs,

Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.

Joachim du Bellay – Baiser

Je sais …

ILL. Emilia Castaneda


Je Sais peu de choses
en tout et pour tous
mais très vite j’ai su
que je saurai l’âme-our
quand tu as ouvert les persiennes
au mois de Février
Le Savant Savoir
ne m’est rien
il fluctue, inonde, s’échappe
revient
comme les rivières
saisons sèches saisons pluvieuses
mais
je sais
pourquoi
sont celles de l’été dans l’Hérault
maintenant…
Tu le sais aussi
je n’ai pas besoin
de t’en dire la raison
Nous deux, seuls, le savons




L’amour est co-naissance dans ses extases
Et longs se peau remet des chants de phrases
Au beau mille en yeux des petites simples bariolées
En séchant ces en jeux qu’il nous faut bien nommer


Je sais l’arum qui darde son crépis
Blanc si menthes
Au par terre en épis
De toi sur mon feu de lampe





ILL. Emilia Castaneda

Je sais nos peaux historiques, nos millénaires, je sais que tu es mon Premier Homme, je sais nos chemins, nos entrailles retournées à vif , nos entailles, nos récits , nos récifs, je sais ton sourire au travers de tes pluies salées, je sais ton cœur de flammes au dessus de ton sexe, je sais la main de toi pour protéger, je sais que tes lèvres savent embraser, je sais l’âme-mâle que tu es


ILL. Emilia Castaneda


Je sais ta peau…
ses grains de café dits s’aiment innés
tes petits melons d’eau verts
qui tiennent chaud tout pointés
à mes envers
je sais ton grand reptile
qui ne dort jamais vraiment
contre le choc de mon fourré


ILL. Emilia Castaneda

Je sais pourquoi le coton les soieries la laine
les fleurs dans le lit des amants
le bois des murs sans porte de ceux qui s’aiment
J’y ai vu nos animaux nos forêts
tapis dans l’ombre de notre chambre
et qui nous regardaient nous accoupler

Je sais les toiles d’asphodèle
Drapées de rut délicat
A lave d’anse la citadelle
tes hanches mes hanches de mica


ILL. Emilia Castaneda

Je sais mon buplèvre ligneux
En pétales de cris
Autour de ta langue
A l’iris violet du milieu


ILL. Emilia Castaneda

Je sais la veille sans lassitude de mes doigts dans tes cheveux
que j’à dore de caresses aux griffes arrondies en lunules
et peignent la gouache de ton sommeil
sans déplier les coutelas

Je sais la vie gît lente souple
de ton souffle
Confiée à ma garde jalouse
de nos heurts en collier de rondes


ILL. Emilia Castaneda

Je sais la saison des fruits qui roulent leurs billes de grenats entre nos crocs de fauves languides, celle des abricots du Roussillon qui éclatent de joie pulpeuse – même leur jus est d’oh rage de sucre – entre nos mains , mes seins , ton ventre, les raides ions de nos sentes fiévreuses
Je sais Toi
Tu sais Moi
Cela est suffisant de le savoir…