(Ill Alex Ross)
« Il y a des baisers qui produisent des délires de passion amoureuse, chauds et fous, vous les connaissez bien, ce sont mes baisers inventés par moi pour votre bouche. »
Gabriela Mistral
Petit aïe au cul
Ce matin cette aube saine
Comme je t’aime…
(Ill Wojtek Siudmak)
POLLEN
Plus tard, on me découpera,
on trouvera les milliards de grains de ton pollen,
de la farine de toi, roulée par le vent.
Mes couches auront été morcelées,
même inversées,
pourtant on y reconnaîtra tes galets,
sur mon eau la trace de tes ricochets,
et chaque petit détail minéral de toi, sera
imprimé en moi.
Et quand je ne serai plus qu’un bloc,
alors je dirai encore l’histoire de nos frictions.
Dans mes os, à chaque cercle
rythmique de ma croissance,
pris, des cheveux de toi,
et dans le carbone qui proviendra de ces os,
l’activité constante de ta bouche.
Régine Detambel
(Ill. Petite Bohème)
Oh comme je déteste l’ hiver
Ah que j’en assez de ce froid
N’avoir de vie que pour toi nu
En re-vers dans mon fruit fendu
N’être qu’éclats fondu de mangue
Que dans le bruit le jus de ta langue
Brunir prune et mirabelle poire et groseille
Dans l’an nous veuille revenir de nos bouches au soleil
S’étendre sans façon sans habit sans fioritures dans l’herbe
Naître que ton amante , ressusciter nos baisers au bleu doré du ciel
(Jindrich Styrsky – Emilie vient à moi en rêve)
Il l’aimait elle l’aimait
Il suçait de ses baisers tout son passé son futur du moins l’essayait-il
Il n’avait d’appétit que pour elle
Elle le mordait le rongeait le suçait
Elle le voulait intégralement en elle
Bien à l’abri au chaud à jamais pour toujours
Leurs cris voltigeaient petits oiseaux dans les rideaux
Ses yeux à elle n’avaient besoin d’aucune distraction
Elle lui clouait mains poignets coudes avec ses regards
Lui l’agrippait très fort pour que la vie
Ne la sépare pas de l’instant
Il voulait que le futur cesse
Il voulait basculer, bras lui entourant la taille,
Depuis le bord même de l’instant, tomber avec elle au néant,
Dans l’infini ou autre chose qui existât
Elle avait l’étreinte pareille à une immense presse
A l’imprimer en elle
Lui, sourires pareils aux mansardes d’un château de fée
Où le monde réel n’entrait jamais
Elle, sourires comme morsures d’araignée
Qui le paralysaient jusqu’à ce qu’elle ait faim
Ses mots à lui étaient armés d’occupation
Ses rires à elle, tentatives d’assassinat
Lui ses regards, balles et dagues de vengeance
Elle ses regards, fantômes dans les coins avec d’horribles secrets
Lui ses murmures, fouets et bottes militaires,
Elle ses baisers, juristes écrivant sans interruption,
Lui ses caresses, hameçons ultimes du naufragé
Elle ses ruses d’amour, grincements de serrures
Leurs cris à tous les deux se traînaient sur les parquets
Comme animal tirant derrière lui un grand piège
Ses promesses à lui étaient bâillons de chirurgien
Ses promesses à elle lui décalottaient le crâne
Elle en faisait une broche
De ses serments il lui arrachait tous ses muscles à elle
Il lui montrait comment faire un nœud d’amour
De ses serments elle plongeait ses yeux dans le formol
Tout au fond d’un tiroir secret
Leurs hurlements collaient aux murs
Leurs têtes tombaient séparément dans le sommeil comme deux moitiés
D’un melon tranché, mais l’amour ne s’arrête pas facilement
Dans le pêle-mêle de leur sommeil ils s’échangeaient bras et jambes
Leurs cerveaux se prenaient l’un l’autre en otage dans leurs rêves
Au matin chacun arborait le visage de l’autre
(Poète amoureux de Sylvia Plath)