(Oeuvre de Camille Claudel)
« Le premier baiser, c’est le mot prononcé de concert par quatre lèvres qui fait de l’amour, un roi. »
Khalil Gibran – L’oeil du prophète.
(Ill. Anne-Camille Hubrecht)
TOUJOURS DOUX
(…)
Je veux des vers de toile ou de plumes
qui pèsent à peine, des vers tièdes
avec l’intimité des lits
où des gens ont aimé et rêvé.
Je veux des vers déchirés
par les mains de chaque jour.
Je veux des vers feuilletés qui fassent fondre
le lait et le sucre dans la bouche,
l’air et l’eau se boivent
l’amour se mord et se baise,
je veux des sonnets comestibles,
des poèmes de miel et de farine.
(…)
Que ta poésie déborde
l’équinoxiale pâtisserie
que nos bouches veulent dévorer,
toutes les bouches des enfants
et tous les pauvres adultes.
Ne continuez pas seuls sans regarder
sans désirer ni comprendre
tant de cœurs en sucre.
Je ne crains pas la douceur.
Sans nous ou avec nous
ce qui est doux continuera à vivre
et ce qui est doux est infiniment vivant
éternellement ressuscité,
parce que dans la bouche pleine de l’homme
la douceur est là
pour chanter ou pour manger.
Pablo Neruda – Recueil « Vaguedivague »
(Ill. Adam Martinakis – Décalé IV)
Je t’ai embrassé sous la fière et furibonde rivière
Serrés cœurs dépolis du monde mes draps de bras ronds
En lacets grisés geysers glissés grésillants de contre poisons
Les récifs vitrifiés vifs vite pétrissent les mots étranges de nos lèvres
Baisers quantiques du Cantique en quarks et particules
Ondée de glue on se Nous un amas géant de feu sacré
L’espèce d’espace élastique supernovae majuscule
Où se fond ma bouche à ton étoile accélérée
Il tourne ce Monde bâti par nos baisers
Monteras-tu le vaisseau de nos peaux
Saisir Altaïr revenu à bouts de mots
Pointé sur l’été ?
(Ill. Wojtek Siudmak)
« Homme qui es venu jusqu’à moi, tel le fleuve descendant, sur un voilier planté d’un mât de lettres, quand passeras-tu les colonnes de la mer ? Rien ne te brûlera qui ne me brûle aussi, plus vivants que jamais nous goûterons la chair du verbe au centre du ciel. Nos bouches se mordront, nous nous couvrirons avec l’herbe de sang bleue au pied des grenadiers d’Iran. De notre nuit de lumière que les passeurs de mots auront ralliée coulera la multitude. Dans le fond de nos gorges, les déserts jailliront en saisons orangées, vertes, framboisées. Nos corps épuisés sur les cailloux d’écume, pour finir marqueront sur l’aube les langages perdus. »
Sylvie Saliceti